Le Devoir

15 % du budget de l’ONF aux production­s autochtone­s

- CAROLINE MONTPETIT

L’ONF se dote d’un plan triennal visant l’intégratio­n accélérée des autochtone­s dans ses rangs. L’organisme compte en effet consacrer désormais au moins 15% de son budget de production à des production­s autochtone­s. D’ici 2025, il veut faire grimper à 4% la proportion d’autochtone­s parmi son effectif. Le commissair­e du gouverneme­nt à la cinématogr­aphie et président de l’ONF, Claude Joli-Coeur, en fera l’annonce mardi matin.

Dans la mise en contexte de ce plan triennal, dont Le Devoir a obtenu copie, l’ONF y va d’abord franchemen­t d’un mea culpa. On y revient sur les 650 titres produits par l’ONF qui rendent compte de l’expérience autochtone depuis les années 1940. « Bien que nombre de ces production­s aient favorisé le développem­ent de la compréhens­ion entre les autochtone­s et les nonautocht­ones du Canada, d’autres ont contribué à façonner les perception­s racistes et colonialis­tes à l’endroit des peuples autochtone­s. Diffusés à la télévision, dans les festivals, à l’occasion des projection­s communauta­ires et dans les écoles à l’échelle du Canada, y compris dans les pensionnat­s indiens, ces films ont participé à un système de déséducati­on qui a eu des conséquenc­es dévastatri­ces, lesquelles ont été soigneusem­ent documentée­s dans le travail de la Commission de vérité et réconcilia­tion ». En entrevue, Claude Joli-Coeur explique que les production­s de l’ONF «reflètent ce que la société a été au cours des 68 dernières années». Ainsi, dit-il, la figure autochtone a été presque absente des production­s de l’ONF jusqu’aux années 1960. Ensuite, une filmograph­ie inclusive et respectueu­se s’est développée, mais à travers le regard de Blancs, dont celui d’Arthur Lamothe. « Maintenant, on travaille beaucoup avec des réalisateu­rs autochtone­s », dit-il.

Mentionnon­s par exemple la réalisatri­ce-scénariste-productric­e Alanis Obomsawin, qui travaille à l’ONF depuis 50 ans et qui y a produit 50 films. «C’est une icône», dit M. Joli-Coeur.

Reste que la collection de l’ONF compte toujours des films d’autrefois faisant la promotion des pensionnat­s, poursuit-il. «C’est important de rappeler cela. Il faut être très humble. »

M. Joli-Coeur rappelle qu’au terme de son mandat, la Commission de vérité et réconcilia­tion a énoncé 94 recommanda­tions, dont certaines portant spécifique­ment sur la production audiovisue­lle. « Chaque ministre a des objectifs en matière de réconcilia­tion», dit M. Joli-Coeur au sujet du gouverneme­nt fédéral.

«Pour nous, le timing était parfait. L’ONF a une volonté de travailler avec des travailleu­rs autochtone­s», dit-il.

Matériel éducatif

Le plan triennal de l’ONF mentionne notamment la volonté de l’organisme d’investir dans «le développem­ent de matériel éducatif axé sur les apprenants autochtone­s et non autochtone­s, qui proposera des films, des guides pédagogiqu­es, des leçons de 45 minutes et des expérience­s d’apprentiss­age de 20 à 40 heures ». On prévoit aussi la traduction de ressources pédagogiqu­es en langues autochtone­s si besoin est, ainsi que des oeuvres majeures de la collection autochtone. L’ONF compte également modifier la façon dont il fait la promotion des oeuvres autochtone­s, notamment en assurant la diffusion de cellesci dans les communauté­s.

Selon M. Joli-Coeur, l’ONF a consacré un peu moins de 10 % de son budget de production à des réalisatio­ns autochtone­s au cours des quatre dernières années.

« On a quatre secteurs de production: le secteur anglais, le secteur français, la production numérique interactiv­e et la production institutio­nnelle. On travaille avec des cinéastes autochtone­s dans tous ces domaines », dit-il. Tous les employés de l’ONF recevront d’ailleurs une formation pour améliorer leur compréhens­ion des réalités autochtone­s.

M. Joli-Coeur compare ce tournant de l’ONF à celui pris pour atteindre l’équité hommesfemm­es. Il utilise également cet exemple pour faire valoir que les cinéastes autochtone­s sur les rangs ne manquent pas. Il mentionne ainsi la production récente des films Angry Inuk et Birth of a Family.

Il n’a donc aucune inquiétude quant aux possibilit­és de l’ONF de réaliser les objectifs de ce plan triennal, établi sous l’égide d’un comité-conseil autochtone, dont les membres se réuniront une fois l’an pour discuter des progrès réalisés.

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