Des amendes de 38 000 $ en 20 ans
Le retour à la vie normale d’un homme dans la rue, à l’instar d’autres itinérants, est compromis par les contraventions, plaide le RAPSIM
Des contraventions pour avoir «flâné gisant ivre», pour s’être «assis par terre», pour avoir uriné en public: en une vingtaine d’années dans la rue à Montréal, Michel a reçu des centaines d’amendes totalisant 38 000$. Son crime? Vivre en itinérant. Mendier. Occuper l’espace public.
Être saoul, très saoul, dans l’espace public. Parler fort. Déranger, quoi.
L’homme de 53 ans est revenu à une vie normale durant un an et demi, puis il est retombé dans l’alcool au mois de janvier, après un temps des Fêtes difficile. Il a perdu son appartement du quartier Rosemont. Il est retourné vivre dans la rue. Les contraventions ont recommencé à pleuvoir. Il en a reçu une quinzaine en six mois, indique au Devoir Isabelle Dicaire, une amie de Michel.
«Pour les gens dans la rue, ces amendes ne règlent rien. Elles ne font qu’enfoncer davantage les personnes itinérantes, qui se sentent souvent impuissantes à s’en sortir. Ces amendes créent énormément d’anxiété», dit Isabelle Dicaire, intervenante sociale dans un groupe communautaire.
Michel a de la chance: ses contraventions ont été annulées grâce à la clinique Droits
« Ces contraventions ne font qu’enfoncer davantage les personnes itinérantes, qui se sentent souvent impuissantes à s’en sortir Isabelle Dicaire, travailleuse sociale
Devant, qui vise à déjudiciariser l’itinérance. En dix ans, le programme a aidé 2520 personnes, dont 450 dans la dernière année.
Ces milliers de personnes ont évité d’aller en prison pour des amendes impayées. La Cour municipale de Montréal a d’ailleurs décrété un moratoire sur cette pratique. Michel a été condamné à 250 heures de travaux communautaires plutôt que d’aller en prison.
Un phénomène fréquent
Des itinérants comme Michel, qui reçoivent des dizaines de contraventions pour des incivilités, on en dénombre encore trop dans les rues de Montréal, selon le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), qui regroupe 108 organisations.
«En 2012, la Ville de Montréal et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) se sont donné des outils pour lutter contre le profilage social et racial. Six ans plus tard, malgré certaines améliorations et actions, force est de constater que le profilage social existe toujours: les personnes en situation d’itinérance reçoivent encore beaucoup trop de contraventions pour des gestes anodins reliés à leur présence dans l’espace public », indique un mémoire du RAPSIM qui sera déposé ce mercredi à l’Hôtel de Ville.
L’administration du maire Denis Coderre tient une consultation sur les profilages racial et social. Le RAPSIM demande à la Ville de revoir ou d’abroger les règlements qu’il considère comme discriminatoires à l’endroit des personnes itinérantes. Parmi ces règlements, il cite notamment:
le mobilier urbain à une autre fin que celle à laquelle il est destiné ;
un bruit audible ; Salir le domaine public; Répandre un liquide sur le sol du domaine public;
Gêner ou entraver la libre circulation dans une station de métro Être pieds nus.
Utiliser Émettre
Le SPVM interpellé
Le RAPSIM réclame aussi que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) se dote d’un plan de lutte contre le profilage axé sur la « résolution de problèmes» plutôt que sur la répression.
Le SPVM prépare justement un plan d’intervention auprès des itinérants, attendu avant la fin de cette année, indique au Devoir le commandant Jacinthe Boucher.
«On demande à nos policiers d’intervenir en fonction des comportements qu’ils constatent, et non en fonction des personnes», dit-elle. Le policier doit exercer son jugement en tenant compte notamment de la sécurité du public, rappelle-t-elle.
Les policiers peuvent appeler l’Équipe mobile de référence et d’intervention en itinérance (EMRII) pour aider les personnes vulnérables. Et devant les tribunaux, la police peut recommander des séjours en désintoxication plutôt que la prison, précise Jacinthe Boucher.