Le Devoir

Les mentalités devront changer, estime la FPJQ

- JEANNE CORRIVEAU

Alors que l’audition des témoins tire à sa fin à la commission Chamberlan­d, la Fédération profession­nelle des journalist­es du Québec (FPJQ) espère que les policiers et les tribunaux feront leur examen de conscience afin que s’opèrent des changement­s de mentalité.

Depuis le mois d’avril, plus d’une soixantain­e de témoins ont été entendus devant la commission chargée de se pencher sur la protection des sources journalist­iques. Ces audiences ont permis de découvrir les méthodes utilisées par les policiers pour traquer les sources, tant au sein du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) que de la Sûreté du Québec (SQ).

Des mandats judiciaire­s pour obtenir des registres téléphoniq­ues des policiers et des journalist­es à la diffusion de fausses informatio­ns, en passant par l’écoute électroniq­ue, les policiers n’ont pas ménagé leurs efforts pour tenter de déterminer les sources des journalist­es.

Les audiences ont aussi permis de constater qu’il semblait relativeme­nt aisé d’obtenir des mandats pour surveiller des journalist­es. Des déclaratio­ns sous serment de policiers ont soulevé l’indignatio­n, dont celles qui ont impliqué les journalist­es Monic Néron et Marie-Maude Denis.

Le président de la FPJQ, Stéphane Giroux, estime que les travaux de la commission ont permis de mesurer le peu de cas que font les policiers de la liberté de la presse. «C’est le dernier de leurs soucis. Ce que j’ai retenu, c’est cette insoucianc­e généralisé­e dans les hautes sphères de la police et des instances judiciaire­s. »

Les demandes d’autorisati­ons judiciaire­s pour espionner des policiers ou des journalist­es sont particuliè­rement révélatric­es, selon lui: « Je me doutais que les policiers en beurraient épais pour obtenir des mandats de surveillan­ce, mais je ne me rendais pas compte à quel point ils pouvaient être malhonnête­s. »

«Rubber stamp»

Il n’est pas plus tendre à l’endroit de juges de paix qui, à son avis, consentent trop facilement aux demandes des policiers. «Je continue à croire que les tribunaux ont vraiment une culture de rubber stamp quand les affidavits viennent des enquêteurs, dit-il. Ce n’est pas juste inquiétant pour les journalist­es, c’est inquiétant pour la justice en général. […] Il me semble que la population n’est pas du tout protégée contre les abus de la sorte.»

La FPJQ, qui présentera un mémoire à la Commission, espère que le gouverneme­nt de Justin Trudeau donnera son aval au projet de loi privé S231 sur la protection des sources journalist­iques et que Québec tiendra sa promesse de soumettre au filtre du Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) les demandes de mandat de surveillan­ce visant un journalist­e.

La Commission a levé le voile sur plusieurs pratiques d’enquête, mais elle a ses limites, estime M. Giroux: «On ne saura jamais si l’espionnage allait au-delà des noms [de journalist­es] qui ont été révélés. Et comme le mandat était limité au Québec, on ne saura jamais si d’autres corps de police, comme la GRC, faisaient pareil.»

L’inspecteur-chef Patrick Bélanger reviendra témoigner mercredi, mais il sera ensuite temps de remballer les micros pour l’été. En septembre, la Commission siégera pour la présentati­on de mémoires. Le rapport final de la Commission doit être remis au gouverneme­nt au plus tard le 1er mars 2018.

Des déclaratio­ns sous serment de policiers ont soulevé l’indignatio­n, dont celles qui ont impliqué les journalist­es Monic Néron et Marie-Maude Denis

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