Revendicatrices et provocantes, les villes
Hidalgo à Paris, Coderre à Montréal : des maires en quête de pouvoirs et de moyens
Les villes au centre du monde. Une idée qui paraissait encore marginale se retrouve aujourd’hui promue par le premier ministre Justin Trudeau. Avec le maire de Montréal, Denis Coderre, et la mairesse de Paris, Anne Hidalgo, ils ont discuté mardi soir du rôle de premier plan des villes pour résoudre les problèmes du XXIe siècle.
«Première ligne de front de la mondialisation», «laboratoire de solutions», «accélérateur de mutation» : les trois politiciens se sont vite faits emphatiques. Ils s’adressaient à un public conquis dans le cadre du congrès Metropolis, qui réunit cette semaine à Montréal près de 140 maires et 1000 délégués de villes du monde entier.
Les grands enjeux actuels convergent dans les villes, entre autres en matière de vivre-ensemble, de migrations ou de gouvernance démocratique. «C’est l’endroit où il y a le plus de problèmes, mais un formidable laboratoire de solutions», a souligné le maire Denis Coderre.
Les villes sont passées ici de « créatures des provinces » à «gouvernement de proximité», a-t-il renchéri, ajoutant qu’elles sont «un nouveau contrepoids ». Son administration a arraché à Québec en décembre dernier une loi qui accorde un statut particulier à la métropole, réclamée depuis des années.
Mairesse d’une ville monstre — à la fois capitale économique, politique et sociale d’un État fortement centralisé —, Anne Hidalgo dit pour sa part ouvertement vouloir « provoquer ». Au lendemain du Brexit au Royaume-Uni, elle signait une tribune avec le maire de Londres, avançant que le XXIe siècle serait celui des villes-mondes, un « contrepoids à la léthargie des États-nations ». Interrogée sur cette opinion, elle dit vouloir surtout «qu’on reconnaisse cette capacité d’innovation et d’agilité des villes».
Justin Trudeau a quant à lui décrit les entités municipales comme des «partenaires», lieux des «préoccupations de tous les jours». Admettant une tendance historique des autres paliers de gouvernement à vouloir «contrôler l’argent» des municipalités, il a dit vouloir davantage coopérer.
Anti-torpeur climatique
Ce rôle de leadership, les grandes cités de la planète comptent l’exercer en faveur ou contre les positions des pouvoirs centraux, notamment en matière de changements climatiques. Les États-Unis se sont certes retirés de l’Accord de Paris sur le climat. L’ex-maire de New York Michael Bloomberg a toutefois rapidement mobilisé des centaines de villes et de gouverneurs d’État: «Les Américains n’ont pas besoin de Washington pour tenir leurs engagements de Paris », avait-il alors déclaré.
«Je remercie Trump, il a provoqué quelque chose de grand», a observé le maire Coderre. Justin Trudeau a aussi rappelé que, sous un gouvernement conservateur qui refusait de parler de changements climatiques, «ce sont les provinces et les grandes villes qui ont mené la charge».
Mme Hidalgo mène également la bataille du trafic parisien, faisant de la lutte contre la pollution un marqueur de son passage à la mairie. Parfois critiquée pour ses mesures draconiennes de réduction de la circulation, telles que l’imposition d’un contrôle de la population pour toutes les voitures circulant dans Paris et une piétonnisation accrue, elle rétorque: «Face à ce type de décision, je pense qu’il n’y a pas de demi-mesure.»
Les villes sont de plus en plus présentes dans les grands forums internationaux, lors de la COP21, par exemple. Elles cherchent à mettre leurs efforts en commun à travers un nombre croissant de réseaux mondiaux, le C40 ou ONUHabitat, par exemple, créant un système parallèle de diplomatie et de relations commerciales.
Au Canada, les autorités municipales n’ont toutefois pas encore tous les moyens de leurs ambitions. Justin Trudeau a reconnu le manque de leviers financiers, sans s’engager davantage : « [Les villes] doivent livrer 60% des services sur 10% des revenus d’impôt.»