Entre espoir et désistement
Emmanuel Macron n’a pas décroché dimanche la majorité parlementaire spectaculaire que lui annonçaient les sondages, mais il s’agit tout de même d’une majorité qui lui confère une grande autonomie, suffisante en tout cas pour se protéger en l’occurrence du MoDem de François Bayrou, un proche allié dont le président cherchera sans doute à se distancer à la lumière des histoires de favoritisme et d’emplois fictifs qui éclaboussent tout à coup le petit parti centriste.
Pour avoir été élu sur grandes promesses de moralisation de la vie publique, la gestion que fera M. Macron de cette première «crise» sera forcément observée de près. Dans la foulée des affaires d’emplois fictifs qui ont coulé la candidature présidentielle de droite de François Fillon et sali sans trop la salir la chef frontiste Marine Le Pen, c’est une crise qui, si besoin était, vient reconfirmer que la culture du privilège et du népotisme est un mal qui pollue la vie politique française dans son ensemble, toutes allégeances partisanes confondues.
En attendant de voir, il y a lieu d’espérer prudemment qu’un jour, cette culture antidémocratique finira par se défaire. Les Français ont élu une Assemblée nationale largement renouvelée et rajeunie, à l’image de ce qu’est aujourd’hui la présidence — au sein de laquelle, au demeurant, sera réuni un nombre record de femmes (223 contre 150 dans l’Assemblée sortante). Aussi, M. Macron et La République en marche (LRM) ont l’obligation de réussir dans la mesure où les astres électoraux se sont après tout fort bien alignés en leur faveur — le Front national a joué son rôle utile d’épouvantail pendant que la droite s’est décomposée dans le scandale et que les socialistes ont implosé.
Exigence de succès et de cohérence d’autant plus impérative que la stupéfiante ascension de M. Macron recouvre d’autre part une non moins stupéfiante vague de désistement électoral. De l’élection de M. Macron à la présidence au second tour des législatives, le dernier cycle électoral français aura été caractérisé par des niveaux inégalés sous la Ve République (née en 1958) d’abstention et de votes blancs ou nuls. C’est dire que le projet démocratique français est souffrant. C’est dire que l’électorat français est partagé entre le sentiment que l’entrée en scène de M. Macron est le signe d’un renouveau politique et le sentiment que ces promesses de renouveau sont au fond factices.