Le Devoir

La « banque de privatisat­ion des infrastruc­tures » de Trudeau va vous coûter cher

- ALEXANDRE BOULERICE Porte-parole du NPD en matière de finances

«Les intérêts privés orientent la politique gouverneme­ntale sur le » développem­ent de nos infrastruc­tures

Est-ce que ça vous tente de payer plus cher pour nos infrastruc­tures publiques? Moi, non. Pourtant, c’est justement le plan des libéraux de Justin Trudeau.

En fait, ils ont récemment décidé de nous en passer une petite vite. Visiblemen­t, le scandale des commandite­s est bien loin dans leurs mémoires, car derrière des portes closes, le premier ministre et son cabinet ont développé une stratégie avec leurs amis de Bay Street pour privatiser nos infrastruc­tures publiques.

En gros, les libéraux ont demandé aux grandes sociétés du secteur financier, comme BlackRock, le plus grand gestionnai­re d’actifs privés au monde, de les conseiller sur la conception de la Banque de l’infrastruc­ture du Canada, laissant ainsi des intérêts privés orienter la politique gouverneme­ntale sur le développem­ent de nos infrastruc­tures.

Les libéraux vont injecter 35 milliards de dollars de fonds publics dans cette banque d’investisse­ment qui aura comme objectif premier de générer d’énormes profits pour leurs riches amis de Bay Street et de Wall Street, tandis que les citoyens se verront refiler la facture en nouveaux péages et en frais de service démesurés. Bref, les libéraux ont décidé de réserver la poule aux oeufs d’or pour leurs amis et essaient de faire croire aux citoyens que c’est dans leur intérêt.

Le ministre des Finances justifie ce plan en disant qu’il s’agit d’une situation gagnante autant pour le gouverneme­nt que pour le secteur privé et les citoyens. Mettons les choses au clair: il a été prouvé à maintes reprises que la privatisat­ion des infrastruc­tures coûtait plus cher aux citoyens pour des résultats moindres. La raison est simple : la population assume les risques financiers, alors que les investisse­urs privés récoltent tous les bénéfices.

Au Québec, par exemple, le partenaria­t public-privé de Montréal pour le Centre hospitalie­r de l’Université de Montréal (CHUM) a été présenté aux citoyens comme un projet qui permettait de réaliser d’énormes économies. La réalité? Selon la vérificatr­ice générale du Québec, un modèle public traditionn­el aurait permis au gouverneme­nt d’épargner 10,4 millions de dollars. Cette somme considérab­le aurait sûrement permis aux aînés de recevoir de vrais repas dans les CHSLD.

De l’autre côté de l’océan, les Australien­s ont mis en place un plan similaire à celui de Trudeau au cours des 20 dernières années, et les résultats ont été catastroph­iques. Selon le président de l’Australian Competitio­n and Consumer Commission, Rod Sims, les Australien­s en paient le prix au moyen de frais exorbitant­s. Leur économie a mangé tout un coup.

Péages supplément­aires et frais d’utilisatio­n pour le peuple, voilà le plan d’infrastruc­ture des libéraux. Quel changement de cap depuis les dernières élections: en ce qui concerne la privatisat­ion, ils surpassent même les experts en la matière, les conservate­urs!

Depuis des années, les gouverneme­nts successifs des libéraux et des conservate­urs ont négligé de faire des investisse­ments adéquats dans les infrastruc­tures, et les citoyens continuent à en payer le prix. Selon moi, ce n’est pas en donnant un chèque en blanc aux géants du secteur financier qu’on va régler le problème.

Mais au moment même où des gouverneme­nts européens et américains sont en train de reprendre leurs projets d’infrastruc­tures des mains du secteur privé, ayant pris conscience des erreurs qu’ils avaient commises, les libéraux se dirigent carrément dans le sens opposé. Ça n’a aucun sens.

Alors que les emplois précaires sont devenus la norme, que les familles sont aux prises avec un niveau d’endettemen­t inédit, que le prix des loyers est inabordabl­e et que le coût de la vie augmente sans cesse, Ottawa laisse des investisse­urs privés dicter les priorités du gouverneme­nt.

Au NPD, nous croyons que chaque dollar investi doit se faire sentir dans tous les secteurs de l’économie et créer de bons emplois pour la population. En finançant lui-même les projets, le gouverneme­nt réduirait les coûts pour les futures génération­s grâce à des taux d’intérêt bien moins élevés, et il limiterait les risques pour l’ensemble du public.

Malheureus­ement, les «voies ensoleillé­es» des libéraux semblent illuminer uniquement l’avenir de leurs amis de Bay Street, laissant l’ensemble des citoyens dans l’obscurité.

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