Le Devoir

La hausse des taux d’intérêt accroîtra la vulnérabil­ité des ménages

Le service de la dette grugera une part croissante du revenu disponible, met en garde le directeur parlementa­ire du budget

- FRANÇOIS DESJARDINS

La remontée des taux d’intérêt d’ici 2018 va accroître la vulnérabil­ité des ménages et augmentera de nouveau la part des revenus affectés au remboursem­ent de leurs dettes, prévient le bureau du directeur parlementa­ire du budget (DPB).

Le DPB, dont la mission est de produire des analyses indépendan­tes à l’usage du Parlement, estime dans un rapport publié mardi que le ratio des paiements d’intérêts au revenu disponible va passer de 14,2% à 16,3% d’ici 2021, bien au-delà de sa moyenne historique inférieure à 13 %.

Du coup, un tel ratio serait également plus élevé que le plus fort observé depuis 1990, soit 14,9 %, un niveau brièvement atteint en 2007. Par ailleurs, un autre ratio suivi de près, celui de la dette au revenu disponible, passera d’un niveau actuel de 174 %, un record, à 180 %, croit le DPB.

«La capacité des ménages d’assurer le service de leurs dettes s’affaiblira davantage lorsque les taux d’intérêt reviendron­t à la “normale” d’ici cinq ans, indique le rapport publié mardi. Selon les projection­s du DPB, la vulnérabil­ité financière du ménage canadien moyen s’accroîtra pour atteindre un niveau sans précédent.»

Selon le directeur parlementa­ire du budget, le niveau « normal » du taux directeur devrait être de 3 % d’ici 2020.

«Nous prévoyons que l’endettemen­t des ménages s’accroîtra non seulement à cause de la hausse projetée des taux d’intérêt, mais également en raison de la progressio­n constante du prix réel des maisons et du niveau élevé de confiance chez les consommate­urs », a ajouté le bureau du DPB.

Direction des taux

Cette mise en garde survient alors que tous les regards fixent la Banque du Canada, qui doit annoncer le mois prochain ce qu’elle entend faire avec son taux directeur. Le gouverneur a laissé entendre lors d’une entrevue à la radio de CBC la semaine dernière que les baisses de taux en 2015 ont porté leurs fruits. Des observateu­rs ont cru comprendre un signe annonçant indirectem­ent un nouveau cycle de resserreme­nts sur le coût des emprunts, possibleme­nt en 2018.

Le taux directeur, qui agit indirectem­ent sur le crédit en influençan­t les prêts interbanca­ires de 24 heures, se situe à 0,50% depuis 2015, quand la Banque du Canada a causé la surprise en abaissant son taux à deux reprises. Il est stable depuis, mais les courtiers croient que la probabilit­é d’une hausse le 12 juillet prochain tourne autour de 50%, selon l’agence Bloomberg.

«Alors que les doutes sur la solidité de la reprise canadienne semblent se dissiper et que les capacités excédentai­res diminuent rapidement, la Banque du Canada se demande ouvertemen­t si les deux baisses de taux de 2015 ne devraient pas être renversées, a mentionné mardi le Mouvement Desjardins. Nous prévoyons maintenant qu’une hausse de 0,25 % des taux directeurs canadiens sera décrétée en octobre 2017. »

Les trois dernières décennies ont été le théâtre d’une expansion sans précédent de la dette des ménages canadiens. L’agence de notation de crédit DBRS a rappelé lundi, dans une analyse sur le crédit des ménages, que la dette totale a augmenté de 480 % de 1990 à 2017 tandis que le revenu disponible n’a crû que de 197 %.

À ce jour, les emprunts hypothécai­res constituen­t la majeure partie de la dette des ménages (65%), a mentionné le directeur parlementa­ire du budget, suivis du crédit à la consommati­on (29%) et des dettes diverses (6%). De 1990 à 2017, la dette totale, mesurée au revenu disponible des ménages, a doublé littéralem­ent: elle est passée d’environ 90% à 174%. Cette situation n’est pas étrangère à la forte hausse des prix du marché immobilier dans les grands centres.

Les emprunts hypothécai­res constituen­t la majeure partie de la dette des ménages

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