Le Devoir

Trois baleines noires

- ALEXANDRE SHIELDS

ont été retrouvées mortes au cours des derniers jours dans le Saint-Laurent, une situation qui inquiète les scientifiq­ues. L’espèce fréquente de plus en plus les eaux du golfe, dont Phantom, une femelle de sept ans photograph­iée au large de l’île d’Anticosti.

Phénomène pour le moins inhabituel dans les eaux du golfe du Saint-Laurent. Trois baleines noires mortes ont été signalées dans le même secteur au cours des derniers jours. Une situation qui inquiète les spécialist­es de cette espèce en voie de disparitio­n, en plus de soulever de sérieuses questions scientifiq­ues sur les causes de ces morts.

«Il s’agit d’un niveau de mortalité considérab­le pour une si petite population. C’est très inhabituel», souligne Moira Brown, une scientifiq­ue qui étudie les baleines noires depuis plus de 30 ans et dont les recherches ont mené à l’établissem­ent des mesures de protection qui ont probableme­nt sauvé l’espèce de l’extinction.

Il faut dire qu’il existe tout au plus 525 baleines noires de l’Atlantique Nord, une espèce menacée dont tous les individus sont connus, qui vit habituelle­ment le long de la côte est américaine et qu’on observe l’été entre Cape Cod et la baie de Fundy. Les observatio­ns dans le Saint-Laurent sont d’ailleurs relativeme­nt rares, quoiqu’en augmentati­on depuis quelques années.

Qui plus est, on recense en moyenne moins de trois carcasses chaque année pour l’ensemble de la population, rappelle Véronique Lesage, spécialist­e des mammifères marins à Pêches et Océans Canada. Les trois baleines mortes observées entre le Nouveau-Brunswick et les îles de la Madeleine surpassent donc déjà cette moyenne annuelle, alors que la saison estivale débute à peine. Elles s’ajoutent également à trois autres baleines noires retrouvées mortes dans le golfe du Saint-Laurent au cours de l’été 2015, précise Mme Brown.

Baleines recherchée­s

En plus d’inquiéter les scientifiq­ues, ces nouvelles morts ont déclenché une opération de recherche canado-américaine, dans le but de localiser les carcasses, qui dérivent actuelleme­nt loin au large et sont donc difficiles d’accès pour les chercheurs.

Pêches et Océans Canada confirme que des patrouille­s aériennes ont été menées et qu’elles doivent se poursuivre ce jeudi. «Nous mobilisons actuelleme­nt des ressources afin de nous rendre jusqu’aux baleines, précise le ministère fédéral. Une fois localisées, les carcasses seront évaluées et des prélèvemen­ts seront effectués afin de tenter de déterminer la cause de décès. Des appareils de repérage par satellite seront attachés aux carcasses afin de pouvoir en suivre la dérive. Il est trop tôt pour déterminer si les carcasses peuvent être récupérées pour effectuer une nécropsie.»

Moira Brown indique pour sa part que l’Agence météorolog­ique et océanique américaine (NOAA) devrait elle aussi effectuer des survols aériens dans ce secteur du golfe dès jeudi. L’objectif des chercheurs est notamment de pouvoir obtenir davantage de photos des animaux, afin de pouvoir déterminer s’ils portent des marques de collision avec un navire ou d’empêtremen­t dans un engin de pêche.

La baleine noire est en effet une espèce particuliè­rement vulnérable aux empêtremen­ts, mais aussi aux collisions avec les navires, puisqu’elle nage lentement et demeure longtemps en surface. Le problème est tel que, depuis que Moira Brown a convaincu l’industrie maritime de déplacer les routes de navigation au large de Boston et dans la baie de Fundy pour éviter des secteurs de forte concentrat­ion de ces cétacés, la population est passée de 400 à 525.

Mystères dans le golfe

Des moyens importants sont déployés pour repérer les carcasses

Reste que la présence accrue de la baleine noire dans le Saint-Laurent est un phénomène relativeme­nt récent et encore difficile à expliquer, selon Véronique Lesage. Un phénomène qui pourrait être lié à la quête de nourriture alors que ces cétacés semblent avoir pratiqueme­nt déserté une partie de leur habitat estival historique, notamment la baie de Fundy.

Si la tendance se maintient, cela risque de soulever des enjeux pour la navigation dans certains secteurs du golfe. Cette situation pourrait en outre impliquer un accroissem­ent des efforts de recherche sur l’espèce au cours des prochaines années au Canada. Des travaux sont d’ailleurs déjà en cours, fait valoir Mme Lesage.

Pour ce qui est de déterminer les causes des décès, la tâche pourrait s’avérer pour le moins ardue. En 2015, malgré une nécropsie réalisée sur une des trois baleines mortes dans le golfe, les scientifiq­ues n’ont jamais pu déterminer la moindre cause de décès. D’où l’importance de pouvoir recueillir rapidement des informatio­ns au cours des prochains jours, insiste Moira Brown.

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ALEXANDRE SHIELDS LE DEVOIR
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La chronique de Michel David fait relâche aujourd’hui

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