L’ère Macron à peine ouverte et déjà un deuxième gouvernement
Le président se voit obligé de remanier son gouvernement
Un mois seulement après son élection, le président français, Emmanuel Macron, se voit dans l’obligation de remanier en catastrophe son gouvernement. Ce qui ne devait être qu’un simple toilettage après la majorité présidentielle obtenue aux élections législatives s’est transformé mercredi en véritable remaniement à cause des soupçons pesant sur plusieurs membres du gouvernement.
Dans cette première crise ministérielle de l’ère Macron, le président voit partir non seulement l’un de ses fidèles de la première heure, Richard Ferrand, soupçonné de conflit d’intérêts en faveur de son épouse alors qu’il dirigeait les Mutuelles de Bretagne, mais aussi trois ministres de son allié politique le MoDem, incluant le garde des Sceaux, François Bayrou.
Ce remaniement fait entrer au gouvernement de nouvelles personnalités socialistes issues de la haute administration, mais peu connues, comme Nicole Belloubet à la Justice et l’ancienne ministre du Budget de Lionel Jospin Florence Parly aux Armées. C’est l’ancienne directrice de l’ENA proche d’Alain Juppé, Nathalie Loiseau, qui sera aux Affaires européennes. Le président préserve la parité entre hommes et femmes ainsi que son alliance avec le MoDem en nommant deux proches de François Bayrou, mais dans des ministères secondaires. Les autres ministres, comme Nicolas Hulot (Écologie), Jean-Yves Le Drian (Affaires étrangères), Gérard Collomb (Intérieur) et Bruno Le Maire (Économie), conservent leur portefeuille.
Bayrou démissionne
À Paris, la démission de François Bayrou est tombée mercredi matin comme une bombe. Le président du MoDem se trouvait dans une position intenable depuis que la ministre des Armées, Sylvie Goulard, avait annoncé mardi qu’elle quittait le gouvernement afin d’«être en mesure de démontrer librement [sa] bonne foi» dans l’enquête préliminaire portant sur les assistants parlementaires du MoDem. Le parti est accusé par d’anciens employés d’avoir fait payer par le Parlement européen des attachés politiques qui assuraient en réalité le fonctionnement normal du parti.
Cette démission a ébranlé
«Je
pense que M. Macron s’est servi de M. Bayrou pendant la campagne présidentielle et, maintenant qu’il a une majorité sans le MoDem, il le jette comme un vieux torchon Marine Le Pen
la ministre des Affaires européennes, Marielle de Sarnez, qui évoquait dès mardi soir la possibilité de démissionner. Dès lors, les heures de François Bayrou étaient comptées, d’autant plus qu’il était le ministre responsable du projet de loi sur la « moralisation» de la vie politique. En conférence de presse, François Bayrou a affirmé avoir proposé sa démission au président «il y a quinze jours, peut-être trois semaines ». Il s’estime par ailleurs la « cible » de « dénonciations anonymes» qui, ditil, visent à abattre sa loi de « moralisation ».
Sur Europe 1, le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner a répété que ces défections relevaient de «choix personnels». La veille de ces démissions, Marielle de Sarnez avait pourtant précisé au quotidien Le Monde que ce choix lui incombait «en partie », mais qu’en dernier ressort, c’était le président qui «décidait».
Parmi les proches d’Emmanuel Macron, on veut voir dans ces démissions l’ouverture d’un nouveau chapitre destiné à rendre les élus plus transparents. Depuis le premier ministre Édouard Balladur (1993), il fallait en effet être au moins mis en examen pour démissionner. Il semble qu’une simple enquête préliminaire soit dorénavant suffisante.
«Comme un vieux torchon»?
«Je pense que M. Macron s’est servi de M. Bayrou pendant la campagne présidentielle et, maintenant qu’il a une majorité sans le MoDem, il le jette comme un vieux torchon», a déclaré Marine Le Pen, qui faisait, mercredi, son entrée à l’Assemblée nationale avec un groupe de huit élus.
Avec ces trois ministres issus du MoDem, le président se sépare de ses ministres les plus europhiles. Mais aussi d’un allié qui pouvait parfois être encombrant. Entre la présidentielle et les législatives, le président du MoDem avait rué dans les brancards afin d’obtenir plus de circonscriptions pour son parti. Il y a deux semaines, il avait téléphoné personnellement à un journaliste de Radio France pour se plaindre de ses « méthodes inquisitrices ». Rappelé à l’ordre par le premier ministre Édouard Philippe, il avait répliqué qu’il se ferait entendre chaque fois que nécessaire.
Entre-temps, le scrutin de dimanche dernier a confirmé qu’Emmanuel Macron pouvait gouverner sans le soutien du MoDem. En Chambre, La République en marche! a d’ailleurs l’embarras du choix. Au grand dam de la direction des Républicains (LR), une partie de ses élus, menés notamment par Philippe Solère, a annoncé mercredi la création d’un groupe distinct dit « constructif » afin de soutenir les réformes du président.
Ces nouvelles «affaires» surviennent après une campagne présidentielle où le FN et le candidat de la droite François Fillon ont été accusés d’avoir détourné l’argent de leurs attachés parlementaires. Pour certains, ce remaniement est largement politique. Pour d’autres, comme l’éditorialiste du Monde, «la restauration de la confiance ne saurait se limiter au conseil des ministres». Il faudrait aussi interdire à deux de ces anciens ministres de prendre la direction de leur groupe parlementaire. Mercredi, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui a conservé son ministère, était aussi montrée du doigt. Elle dirigeait Business France, un organisme dont les bureaux ont été perquisitionnés par la police et que l’on soupçonne d’avoir assumé les coûts d’un voyage à Las Vegas d’Emmanuel Macron à l’époque où il était ministre de l’Économie.
Signe de ce remaniement improvisé, il survient en pleine Fête de la musique, alors que le perron de l’Élysée, où ces annonces sont traditionnellement faites, était occupé par un orchestre colombien. Le porte-parole de la présidence a donc dû s’adresser à la presse du jardin du palais, sur un petit fond musical.