Le Devoir

L’inquiétude persiste au Jardin botanique

La mission scientifiq­ue n’est pas mise en péril, réplique la direction d’Espace pour la vie

- JEANNE CORRIVEAU

Michel Labrecque persiste et signe. Le conservate­ur du Jardin botanique de Montréal demeure inquiet quant à l’avenir de l’institutio­n, qui n’aura plus de directeur attitré dans la foulée de la réforme administra­tive d’Espace pour la vie.

«À partir du moment où une institutio­n n’a plus de directeur, je me demande comment on peut dire qu’elle continue d’exister », a confié Michel Labrecque alors qu’il participai­t, mercredi, à l’annonce d’un projet de phytotechn­ologie au Jardin botanique.

Michel Labrecque, qui travaille depuis 25 ans au Jardin botanique, dont 20 à titre de conservate­ur, est préoccupé. Espace pour la vie, qui regroupe le Jardin botanique, l’Insectariu­m, le Biodôme et le Planétariu­m, a entrepris de revoir son organisati­on et fera disparaîtr­e les postes de directeur de chacune des institutio­ns.

Des quatre directeurs actuels, deux prendront leur retraite. Les deux autres assumeront de nouvelles responsabi­lités. Ainsi, le directeur actuel du Jardin botanique, René Pronovost, deviendra directeur des collection­s et de la recherche pour les quatre musées. Et la directrice de l’Insectariu­m, Anne Charpentie­r, assumera les fonctions de directrice des programmes publics pour les quatre institutio­ns.

«On renforce la mission de base de conservati­on et de diffusion de cette conservati­on dans les quatre musées», assure le directeur général d’Espace pour la vie, Charles-Mathieu Brunelle. À titre d’exemple, un poste de direction en conservati­on au Planétariu­m, qui n’existait pas auparavant, sera créé, a-t-il souligné.

L’investisse­ment de 14,5 millions annoncé mercredi pour le Parcours des phytotechn­ologies s’inscrit d’ailleurs dans la mission de recherche du Jardin.

«La mission scientifiq­ue n’a été mise en péril d’aucune façon, dans aucune des institutio­ns. La mission de reconnecte­r l’humain à la nature nous tient particuliè­rement à coeur. Cette phrase n’a pas été inventée il y a huit ans. Elle a été inventée en 1931. Ça veut dire que c’est vraiment inspiré du frère Marie-Victorin. »

M. Brunelle a expliqué le plan de réorganisa­tion aux employés et il s’est dit sensible à l’inquiétude exprimée. «Quand il y a de l’inquiétude face au changement, il faut être empathique. Il faut écouter, accompagne­r et rassurer.»

La semaine dernière, il s’est même entretenu avec l’exmaire Pierre Bourque, qui avait dénoncé ce qu’il a qualifié de «lapidation du patrimoine montréalai­s unique» dans une lettre adressée à Denis Coderre.

Arbitrage dif ficile

Michel Labrecque n’est pas rassuré. Après le cri du coeur qu’il a lancé la semaine dernière au micro d’Alain Gravel, il dit avoir reçu pour consigne de ne plus s’exprimer publiqueme­nt sur la question. Charles-Mathieu Brunelle l’a toutefois autorisé à répondre aux questions des journalist­es mercredi.

Et Michel Labrecque continue de dénoncer la réforme qui, dit-il, menace l’indépendan­ce et le rayonnemen­t internatio­nal du Jardin botanique, l’un des plus importants dans le monde. Les arbitrages entre les quatre institutio­ns pourraient être difficiles, car, dit-il, le directeur des collection­s va devoir gérer des météorites, des insectes, des poissons et des plantes.

Selon lui, personne ne peut détenir des compétence­s scientifiq­ues élevées dans chacun de ces domaines.

Charles-Mathieu Brunelle croit que Michel Labrecque a mal compris le plan de la direction. «C’est possible, mais si j’ai mal compris, il y a des centaines de milliers de personnes qui comprennen­t mal la réforme aussi, a rétorqué Michel Labrecque. La communauté scientifiq­ue s’inquiète beaucoup. »

La prise de parole de Michel Labrecque crée assurément un malaise au sein de l’organisati­on. Denis Coderre a même qualifié l’affaire de « fake news ». Mais M. Labrecque juge important de s’exprimer, même si cela le place dans une situation difficile.

«C’est extrêmemen­t délicat parce que dans une hiérarchie gouverneme­ntale, dans ce cas-ci municipale, ça ne se fait pas. Les gens ne sortent pas pour contester une décision qui est prise. J’en parle parce que c’est important que les citoyens et l’administra­tion entendent ça. »

La chef de l’opposition, Valérie Plante, exhorte l’administra­tion à prendre au sérieux les propos de Michel Labrecque : «Les Montréalai­s ont parfaiteme­nt raison de se poser des questions sur ce joyau que nous devons protéger. »

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? L’institutio­n municipale Espace pour la vie, qui regroupe le Jardin botanique, l’Insectariu­m, le Biodôme et le Planétariu­m, fera disparaîtr­e les postes de directeur de chacune des institutio­ns.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR L’institutio­n municipale Espace pour la vie, qui regroupe le Jardin botanique, l’Insectariu­m, le Biodôme et le Planétariu­m, fera disparaîtr­e les postes de directeur de chacune des institutio­ns.

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