Le Devoir

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Le gouverneme­nt Couillard a présenté sa politique de la réussite éducative, qui n’annonce ni révolution ni réforme — le monde de l’éducation en a sans doute connu trop. Les objectifs sont ambitieux et les moyens financiers sont déjà contenus dans le dernier budget. Consensuel­le, l’approche en est une de mobilisati­on dans la continuité.

La politique de la réussite éducative, dont le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a accouché après avoir procédé à une vaste consultati­on des acteurs du milieu, est avant tout le fruit d’un large consensus: elle fut même saluée par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). D’entrée de jeu, la politique fixe l’objectif de porter à 85% le pourcentag­e d’élèves de moins de 20 ans à décrocher un diplôme d’études secondaire­s (DES) ou un diplôme d’études profession­nelles (DEP), soit plus de 10 points de pourcentag­e de plus qu’à l’heure actuelle, et à 90% si on inclut les qualificat­ions menant au marché du travail. Le gouverneme­nt se donne un horizon de 13 ans, jusqu’en 2030, pour y arriver.

S’inspirant des meilleures pratiques internatio­nales, le ministre mise sur «des interventi­ons précoces, rapides et continues». Sans apporter de précisions, il promet de revoir le modèle de financemen­t prévu pour les élèves handicapés ou en difficulté d’apprentiss­age. Il ajoutera des ressources spécialisé­es et poursuivra le déploiemen­t de la maternelle 4 ans dans les milieux défavorisé­s.

La politique aborde les enjeux d’équité et d’égalité des chances. Ainsi, elle vise à réduire de moitié l’écart entre les taux de réussite des élèves qui éprouvent des difficulté­s d’apprentiss­age, des élèves immigrants de première génération et des élèves issus d’un milieu défavorisé et le taux des autres élèves.

Or non seulement la politique se montre avare de détails quant aux moyens que le gouverneme­nt entend prendre pour atteindre cet objectif, mais elle ne souffle mot sur l’écrémage que subit l’école publique ordinaire en raison de la multiplica­tion des programmes particulie­rs offerts dans le réseau public et de la concurrenc­e des écoles privées. Le Conseil supérieur de l’éducation a pourtant sonné l’alarme l’automne dernier en faisant observer que le réseau scolaire québécois est le plus inéquitabl­e au Canada. L’organisme plaidait pour une plus grande mixité sociale au sein des écoles. La solution à ce problème qui va grandissan­t n’est pas simple, mais le silence du gouverneme­nt à ce sujet est décevant.

De fait, pour le meilleur et pour le pire, le gouverneme­nt opte pour le statu quo. Tout au plus demande-t-il mollement aux écoles privées de «contribuer davantage aux efforts pour l’intégratio­n des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentiss­age».

Deux nouveautés sont évoquées dans la politique. Un groupe de travail se penchera sur l’opportunit­é de créer un Institut national d’excellence en éducation. On envisage de faire passer de 16 ans à 18 ans l’âge de la fréquentat­ion scolaire obligatoir­e en offrant des parcours particulie­rs, pas nécessaire­ment à l’école.

La politique parle du développem­ent des compétence­s numériques, un concept à la mode, comme si les enfants n’étaient pas hyperexpos­és aux nouvelles technologi­es. On devrait plutôt penser à renforcer leur capacité de lecture de longs textes.

Sébastien Proulx a au moins le mérite d’avoir, lui, mis les pieds dans des écoles et d’avoir écouté le milieu. Évidemment, avec une telle approche consensuel­le, on ne pouvait s’attendre à des propositio­ns révolution­naires. Ce n’est pas plus mal. Pour l’heure, mieux vaut tabler sur de réelles améliorati­ons plutôt que de se lancer dans une autre réforme incertaine concoctée par une seule école de pensée.

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ROBERT DUTRISAC

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