Les entreprises souhaitent voir au-delà de 2020
Alors que le gouvernement travaille sur les modalités pour la période 2021-2030, les sociétés veulent être consultées de nouveau
Estimant «très préoccupant» un scénario présenté à l’automne dernier pour l’après-2020, le lobby patronal en matière d’environnement souhaite que ses membres soient consultés de nouveau sur la révision des règles de fonctionnement du marché du carbone, mais le ministère de l’Environnement assure qu’il va prendre le pouls.
Selon une entrée au Registre des lobbyistes effectuée mardi par le Conseil patronal de l’environnement du Québec (CPEQ), le ministère de l’Environnement «s’était engagé à présenter au secteur industriel un nouveau scénario», mais les entreprises attendent toujours.
Données officielles à l’appui, le CPEQ fait valoir depuis longtemps que l’industrie a fait de gros efforts et réduit ses propres émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20% de 1990 à 2012, alors que celles du secteur du transport ont augmenté de 25,7%. Selon le regroupement, cela signifie que les gains futurs de ses membres coûteront beaucoup plus cher.
Or le marché du carbone, ou système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE), prévoit une même règle pour tout le monde. En fonction du SPEDE, le gouvernement
émet des unités d’émission gratuitement mais impose un plafond qui diminue d’année en année de manière à atteindre des objectifs de réduction des GES. Si une entreprise dépasse ses limites, elle doit acquérir des droits.
«Chaque entreprise doit prendre les chiffres et voir l’impact sur ses propres activités», a dit en entrevue mercredi la présidente du CPEQ, Hélène Lauzon, sans s’avancer dans les détails. «C’est beaucoup. C’est plusieurs, plusieurs millions. Ils [le ministère] ont rencontré les entreprises et pris en compte leurs problématiques, j’ai l’impression, mais jusqu’à quel point, on ne le sait pas. »
En fin de journée, les communications du ministère ont indiqué par courriel que « oui, le ministère sera en échange avec ses clientèles sur les principaux paramètres envisagés pour le SPEDE post-2020». De plus, «il y aura aussi une prépublication
du règlement pour consultation publique».
Le SPEDE, qui couvre la période 2013-2020, constitue la pièce maîtresse de la stratégie gouvernementale visant à réduire les émissions de GES dans la province. Lorsque le SPEDE a été mis sur pied, Québec souhaitait une réduction de 20% d’ici 2020 par rapport au niveau de 1990. La nouvelle cible est de 37,5% d’ici 2030.
Selon les données officielles, les émissions de GES ont diminué de 8 % de 1990 à 2012.
Les droits d’émission qui ne sont pas émis gratuitement sont vendus aux enchères. De 2013 à 2020, a prévu Québec, ces ventes devraient générer 3,3 milliards, lesquels seront versés au Fonds vert.
Les entreprises apprécient généralement la prévisibilité de leur environnement d’affaires, surtout lorsqu’elles sont en concurrence directe avec des sociétés qui, dans leur province ou leur État, ne sont pas soumises aux mêmes règles. Si le CPEQ veut le plus vite possible connaître le menu détail des modalités du SPEDE pour 2021-2030, c’est notamment parce que certaines entreprises d’ici «ont des comptes à rendre» à leurs sièges sociaux, a mentionné Hélène Lauzon.
Il y a deux semaines, un sondage publié par le collectif de recherche CIRANO a indiqué que 67% des entreprises émettrices soumises au SPEDE estiment que celui-ci a nui à la compétitivité hors Québec. Mais pour 62 % des entreprises, cela n’a «pas entraîné de pertes significatives» de leur compétitivité. L’enquête a aussi sondé l’avis des distributeurs de carburant. Dans l’ordre, les répondants préfèrent que les sommes du Fonds vert soient consacrées à des programmes d’efficacité énergétique, aux énergies renouvelables et, en troisième lieu, aux infrastructures.
Le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineault, avait mentionné que le sondage effectué par Léger Recherche était le premier depuis l’implantation du SPEDE.