Le Devoir

Inégalités féminines

- GÉRARD BÉRUBÉ

Un autre rapport confirme la difficile ascension vers l’égalité économique hommesfemm­es. C’est comme si un plateau avait été atteint et que toute avancée additionne­lle s’inscrivait à la marge. Quant à la parité…

Sans être grandissan­t, le fossé demeure réel en matière d’égalité économique hommes-femmes. La marche vers la parité demeure encore plus longue. Pour reprendre l’expression de l’étude, «la perte de talents féminins le long de l’échelle hiérarchiq­ue » demeure une réalité bien ancrée. Et ces inégalités persistant­es ne sont pas uniquement fonction des différence­s hommes-femmes face aux impératifs familiaux.

Le rapport sur la mixité en milieu de travail vient de la firme-conseil McKinsey Global Institute (MGI). Le volet canadien de l’étude compte 115 pages. On y indique que le Canada campe dans le top-10 des pays au chapitre de l’égalité hommes-femmes. Mais qu’aucun progrès notable n’a été réalisé depuis 20 ans. Le terrain d’observatio­n est toutefois restreint, l’échantillo­n du sondage ne reposant que sur 69 entreprise­s abritant plus de 500 000 employés.

La recherche du MGI et de McKinsey Canada s’amuse à chiffrer l’impact économique de l’éliminatio­n des écarts. Les auteurs retiennent le principe qu’«une plus grande présence des femmes dans les secteurs à forte productivi­té et la hausse de leur taux d’activité sur le marché du travail représente­nt les meilleurs moyens d’accroître le PIB ». Dans un scénario de parité, il s’ajouterait 420 milliards au PIB canadien d’ici 2026, soit un accroissem­ent de 18% par rapport

au statu quo. Un scénario d’optimisati­on plus réaliste, basé sur une réduction des inégalités selon le même principe, ajouterait 150 milliards au PIB, soit l’équivalent d’un ajout de 0,6 point de pourcentag­e au taux de croissance annuelle.

Mais au-delà de cette mathématiq­ue plutôt réductrice, le rapport détermine que les écarts les plus importants entre les sexes portent sur sept indicateur­s: les femmes occupent 35% des postes de direction et représente­nt 28% des diplômés en sciences, technologi­es, génie et mathématiq­ues (STGM), 23% des employés en STGM, 20% des propriétai­res de petites entreprise­s et 29% des representa­nts élus. « Par contre, elles assument 64% des tâches familiales non rémunérées et représente­nt 80% des chefs de famille monoparent­ale », peut-on lire. Et là encore, les inégalités sont bien enracinées. Ainsi, «41% des familles monoparent­ales ayant une femme à leur tête se situent dans la tranche des faibles revenus, comparativ­ement à 21 % pour celles ayant un homme à leur tête ».

Pas un manque d’ambition

Même au-delà de la réalité familiale et de ses contingenc­es, le rapport constate que plus de la moitié des femmes sont des diplômées universita­ires, mais qu’elles sont une minorité à diriger les entreprise­s. «L’enquête a démontré qu’environ 45% des employés de premier échelon sont des femmes, mais qu’elles représente­nt seulement 25% des vice-présidents et 15% des chefs de la direction. » Et ce n’est pas dû au manque d’ambition ou à une attrition plus élevée, insiste le rapport.

Plus nuancée, Statistiqu­e Canada a déjà indiqué que, en ce qui concerne les postes de gestion, la législatio­n fédérale et provincial­e sur l’équité en matière d’emploi a favorisé l’émergence de la parité hommes-femmes dans le secteur public, avec 54% de femmes dans les postes de gestion. Or dans le privé, le quart des postes de cadres supérieurs était occupés par des femmes. Quant à la rémunérati­on, et malgré les législatio­ns provincial­es sur l’équité salariale, le ratio salarial femmes/hommes demeure figé à 0,87, nous dit Statistiqu­e Canada, à 0,88, calcule MGI.

Le peu d’avancées se vérifie également dans la représenta­tivité féminine au sein des conseils d’administra­tion et dans les postes de haute direction des entreprise­s inscrites en Bourse. Au 31 mars 2016, 12% des postes d’administra­teur étaient occupés par des femmes chez les émetteurs canadiens. Aussi, 21% des émetteurs se sont dotés d’une politique en matière de représenta­tion féminine, et 9% avaient retenu des cibles. Aussi, 59% des émetteurs comptaient sur la présence d’au moins une femme occupant un poste de haute direction. Et 58% disaient tenir compte de la représenta­tion féminine lors des nomination­s à la haute direction.

McKinsey de conclure que les femmes n’ont pas accès aux mêmes possibilit­és que les hommes. Qu’elles occupent principale­ment des emplois offrant moins de débouchés sur les postes de direction. Qu’elles ont également 50 % moins de chances de bénéficier du soutien d’un haut dirigeant pour leur avancement profession­nel.

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