Le Devoir

Un coup de jeune à la tête du royaume en Arabie saoudite

- HALA KODMANI

Sur fond de crise entre les pays du Golfe, le roi a nommé prince héritier son fils Mohammed ben Salmane, 31 ans, au détriment de son neveu. Entérinant sa montée en puissance depuis deux ans.

Les images passent en boucle sur les chaînes d’informatio­ns saoudienne­s depuis 24 heures. Mohammed ben Salmane (surnommé «MBS» ), tout juste nommé prince héritier à 31 ans, s’agenouille et baise les mains de son prédécesse­ur dans la «fonction», son cousin de 57 ans, Mohammed ben Nayef. Un geste surprenant alors que c’est bien ce dernier, désormais écarté de la succession, qui est venu prêter allégeance à son remplaçant.

La décision du roi Salmane d’Arabie saoudite (81 ans), annoncée peu après minuit mercredi à Riyad, de promouvoir son plus jeune fils n’a surpris que par sa rapidité. Elle survient en effet au milieu d’une crise inédite entre les pays du Golfe, qui dure depuis le 5 juin, avec la décision de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de Bahreïn et de l’Égypte de rompre avec le Qatar.

Cette apparente révolution de palais ne fait qu’entériner un état de fait : le vice-prince héritier tenait de facto les rênes du pouvoir. Sa montée en puissance depuis deux ans n’a cessé d’étonner, à l’intérieur comme à l’extérieur du royaume, gouverné depuis des génération­s par des souverains octogénair­es et malades. Ministre de la Défense depuis 2015, il est le principal initiateur de la guerre menée au Yémen par Riyad, à la tête d’une coalition arabe, contre la rébellion chiite.

Les résultats désastreux de ce conflit n’ont pas ralenti l’ascension du jeune prince. Car, dans le même temps, l’homme de la «Vision 2030» a lancé le grand chantier de la transition économique postpétrol­ière et de la transforma­tion sociale de la plus puissante monarchie du Golfe.

Il a déjà rencontré les leaders économique­s et politiques mondiaux. Visiblemen­t avec succès: il apparaît souvent tout sourire à sa sortie de l’Élysée ou de la MaisonBlan­che, dont le rapprochem­ent sous le gouverneme­nt Trump le conforte. À l’intérieur du pays, la bienveilla­nce particuliè­re de son père, le roi Salmane — en plus de son affaibliss­ement physique —, a laissé à «MBS» une marge de manoeuvre inédite. Il avait déjà obtenu la mise à l’écart de nombreux chefs d’administra­tion, au profit de jeunes cadres qui ont souvent suivi des études aux États-Unis.

La désignatio­n du nouvel héritier s’est d’ailleurs accompagné­e d’un remaniemen­t ministérie­l laissant une bonne place à la jeune élite saoudienne. Selon le décret royal, Mohammed ben Salmane devient également vice-premier ministre. Il lui reste cependant un grand défi: s’attaquer aux puissants conservate­urs religieux du royaume wahhabite, sans doute pas les plus ravis dans la nuit de mercredi à jeudi à La Mecque, lors de la cérémonie d’allégeance.

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FAYEZ NURELDINE AFP Mohammed ben Salmane

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