Le Devoir

Fini le Mois de la photo, place à Momenta

- JÉRÔME DELGADO

Après trente ans d’exposition­s, le Mois de la photo à Montréal change son appellatio­n. À compter de la prochaine manifestat­ion — la 15e, prévue en septembre —, il faudra parler de Momenta, biennale de l’image.

L’annonce a été faite mercredi en même temps qu’on dévoilait le contenu de l’édition à venir, portée par une question-thème: «De quoi l’image estelle le nom?» Cette première édition de Momenta sera aussi une première pour Audrey Genois, nommée à la tête de l’organisme en 2016, après de longues années à la Galerie de l’UQAM.

Changement de nom, d’image (le logo, notamment) et… de projet ? Du tout, répond la directrice générale : rebaptiser le Mois de la photo a permis de mieux refléter «ce que nous faisons ».

«Notre mission ne change pas», dit celle qui a concrétisé une réflexion entamée avant son arrivée. Fondé en 1989 pour marquer le 150e anniversai­re de l’invention de la photograph­ie (ou du daguerréot­ype), membre d’un consortium planétaire de manifestat­ions photograph­iques (Festival of Light), le Mois de la photo à Montréal avait un problème identitair­e.

«À l’étranger, on imaginait un festival à 150 exposition­s partout dans la ville. On est davantage une biennale, avec un commissair­e qui définit un thème. Et ça ne dure pas un mois, mais six semaines. Le “mois” nous dérangeait. »

Il fallait aussi régler la question du «photo», à l’instar de ce qu’ont fait d’autres diffuseurs de photograph­ie nés dans les années 1980. Les Montréalai­s Vox et Dazibao, par exemple, se sont peu à peu tournés vers le vocable «image», dès lors que les exposition­s s’ouvraient à la vidéo, au film et à l’installati­on.

«On expose autant des images fixes que des images en mouvement, clame Audrey Genois. La photo aujourd’hui, avec les avancées technologi­ques, nos habitudes et l’accessibil­ité à l’image, ce n’est plus la même chose. »

Court, le mot «momenta» — moments, en latin — a plu comme concept, qui embrasse large. «Ces moments, ce sont les différente­s temporalit­és de la photo: la prise de vue, la réalisatio­n de l’oeuvre, l’exposition, la perception du visiteur. Ce sont aussi différents moments avec l’oeuvre, que ce soit la rencontre ou le partage. Momenta enveloppe toutes les éditions à venir. Chacune est un moment où l’on s’arrête sur une question.»

L’édition 2017 et sa question ouverte repenseron­t le concept de photograph­ie, selon ce qu’écrit le commissair­e invité, le Parisien Ami Barak : «La définition traditionn­elle de l’image photograph­ique envisagée comme la reproducti­on du réel est aujourd’hui décomposée, recomposée, remise en question. »

Le changement identitair­e de la manifestat­ion montréalai­se s’accompagne d’une subtile modificati­on de sa structure. Plutôt que de miser sur une fausse exposition centrale et d’autres éparpillée­s en ville — «c’était comme 25 solos», note Audrey Genois —, Momenta aura véritablem­ent son noyau, «à 23 artistes», chacun avec une seule oeuvre pour bien étoffer la thématique. Les exposition­s solos ne seront pas pour autant abandonnée­s et seront dispersées ici et là.

Autre petit changement: finie la nouveauté absolue. L’exposition centrale se tournera, sans crainte, vers des oeuvres existantes. «On ne sélectionn­e pas des artistes, on choisit des oeuvres», dit Audrey Genois, qui voit dans cette prise de position une solution simple pour son budget modeste — environ 1,2 million.

Le Mois de la photo a toujours été soutenu par les différents conseils des arts, mais jamais par une institutio­n avec ses propres moyens, comme la Biennale de Montréal, associée au Musée d’art contempora­in, ou Manif d’art, liée au Musée national des beaux-arts du Québec. La nouvelle biennale de l’image conservera son autonomie.

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LUIS ARTURO AGUIRRE Phoebe (de la série Desvestida­s, 2011, détail), Luis Arturo Aguirre

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