Le Devoir

À son tour, la galerie Graff devient virtuelle

- JÉRÔME DELGADO

L’hécatombe dans le marché de l’art contempora­in montréalai­s se poursuit: la galerie Graff quitte définitive­ment le local loué dans l’édifice Belgo. Depuis le début de l’année, elle est la troisième à mettre fin à ses activités, après la galerie Joyce Yahouda et Battat Contempora­ry, cette dernière demeurant cependant ouverte jusqu’à l’automne.

Il y a un an, Graff quittait le Plateau MontRoyal, où elle a tenu une enseigne pendant presque 40 ans, pour s’installer au centrevill­e. L’aventure se termine samedi, dernier jour d’une ultime exposition, consacrée à Alain Laframbois­e. Elle se poursuivra ailleurs : «La galerie Graff déménage dans le cyberespac­e », annonce un communiqué de presse diffusé mercredi.

«Je mûris ça depuis un certain temps, admet la directrice de Graff, Madeleine Forcier. Le propriétai­re m’a fait signer un bail d’un an et je m’étais dit que, au bout, je ferais le point. Je considère que c’est une bonne décision, je ne suis pas amère.»

La galerie qu’elle dirigeait depuis le début, en 1980, était née comme une extension de l’Atelier Graff. Le centre consacré à la gravure, fondé par l’artiste Pierre Ayot, le compagnon de Madeleine Forcier, poursuit, lui, ses activités dans Hochelaga-Maisonneuv­e depuis 2016.

Elle ne se dit pas amère, seulement lucide. Madeleine Forcier croit que « l’espace traditionn­el de la galerie » n’est plus « la meilleure façon » pour rejoindre les collection­neurs. « Le focus, écrit-elle par communiqué, se fait davantage par le biais d’événements collectifs et de plateforme­s de vente et de diffusion en ligne.»

Au téléphone, la galeriste expériment­ée n’a pas voulu voir son passage au Belgo comme un échec. Son déménageme­nt au centre-ville lui a seulement permis de prolonger l’exercice d’un an. Ce qu’elle reconnaît, c’est qu’elle a payé, avec le temps, pour la multiplica­tion des lieux de diffusion et surtout celle des ventes aux enchères tenues par des centres d’artistes et même des revues comme activités d’autofinanc­ement. L’offre était plus grande ; la demande, non.

«Avant, je pouvais vendre sept, huit oeuvres par exposition. Plus aujourd’hui, dit-elle. Les gens pensent faire une bonne affaire en achetant par encan, avec le sentiment de le faire pour une bonne cause. Ce qu’ils n’ont pas compris, c’est qu’une galerie est aussi une bonne cause.»

Madeleine Forcier misera à l’avenir sur un site Web, qui sera revampé, s’attend à défendre une équipe d’artistes plus petite et espère piloter des projets ponctuels avec des partenaire­s diffuseurs, comme ceux menés au cours des derniers mois autour des oeuvres de Pierre Ayot et de Serge Tousignant.

«Je vais utiliser mon énergie autrement, à mon rythme», dit celle qui économiser­a aussi quelque 70 000 $ avec la fermeture de la galerie du Belgo.

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GALERIE GRAFF Les oeuvres d’Alain Laframbois­e seront les dernières à être exposées à la galerie Graff.

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