Le Devoir

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- La chronique de Michel David.

Durant la dernière course à la chefferie, Jean-François Lisée a réussi à convaincre les militants péquistes que le report du référendum à un deuxième mandat améliorera­it les chances de victoire du PQ.

Quand Bernard Drainville avait fait la même propositio­n un an plus tôt, M. Lisée avait immédiatem­ent rejeté celle-ci. Ceux qui ne voulaient pas d’un référendum durant un premier mandat n’allaient sûrement pas voter pour un parti qui prendrait simplement un peu plus de temps pour le préparer. Il avait vu juste.

D’un sondage à l’autre, les intentions de vote du PQ ressemblen­t à une glissade que rien ne semble pouvoir freiner. Dans une élection générale, les 22% dont le crédite le dernier sondage Léger–Le Devoir lui vaudraient non seulement la troisième place, mais aussi le pire résultat de toute son histoire. Serait-ce le début de la fin?

À un niveau aussi bas, le PQ ne remportera­it qu’une vingtaine de sièges. M. Lisée luimême pourrait subir la défaite aux mains de Québec solidaire dans sa circonscri­ption de Rosemont. La seule bonne nouvelle est que le PQ détiendrai­t la balance du pouvoir face à un gouverneme­nt libéral ou caquiste.

Le chef péquiste, qui avait tout misé sur une alliance avec Québec solidaire, aura des comptes à rendre aux délégués au congrès de septembre, où il devra se soumettre à un vote de confiance. Quand on leur demande qui ferait le meilleur premier ministre pour le Québec, à peine la moitié des électeurs péquistes (52 %) nomment M. Lisée.

La levée de la menace référendai­re profite à la CAQ. Bon nombre de fédéralist­es qui se sentaient dans l’obligation de voter libéral pour éviter l’éclatement du pays peuvent exprimer plus librement leur mécontente­ment à l’endroit du gouverneme­nt Couillard, surtout depuis que la profession de foi fédéralist­e de François Legault a fait de la CAQ une solution de remplaceme­nt acceptable.

Avec 28% des intentions de vote, la CAQ atteint un nouveau sommet et entre maintenant dans ce que les sondeurs appellent la «zone payante», à l’intérieur de laquelle une progressio­n d’un seul point peut se traduire par une dizaine de circonscri­ptions additionne­lles.

M. Legault lui-même, qui a cessé ses incursions hasardeuse­s sur le terrain identitair­e pour se concentrer sur celui plus consensuel de l’économie, ressemble de plus en plus à un premier ministre aux yeux de la population. Son défi est maintenant de constituer une équipe qui aura aussi l’allure d’un gouverneme­nt. Le recrutemen­t de l’ancienne procureure en chef de la commission Charbonnea­u, Sonia Lebel, est un pas dans la bonne direction, mais il en faudra d’autres.

À la suite de l’échec du pacte électoral, Jean-François Lisée a reproché à Québec solidaire d’être devenu l’allié objectif du PLQ, mais QS pourrait bien devenir aussi celui de la CAQ. Si le parti de gauche menace directemen­t les circonscri­ptions péquistes sur l’île de Montréal, les 18% d’intentions de vote qu’il recueille en région pourraient favoriser la CAQ en privant le PQ de précieuses voix là où la lutte sera serrée. Seule la région de Québec semble demeurer imperméabl­e à l’effet Gabriel Nadeau-Dubois.

Même si le PLQ demeure en tête, ses 31% le ramèneraie­nt au niveau de l’élection de septembre 2012, alors qu’il avait enregistré son pire résultat depuis 1867, mais il pourrait difficilem­ent descendre sous ce seuil à moins de perdre l’appui d’une partie de sa clientèle anglophone et allophone. Ce n’est sans doute pas un hasard si le gouverneme­nt Couillard éprouve une soudaine empathie pour les communauté­s anglophone­s en région.

Après quinze ans de pouvoir presque ininterrom­pu, le PLQ se retrouve malgré tout dans une position passableme­nt enviable à l’aube de l’année électorale. Les bonnes nouvelles économique­s se sont succédé au cours des derniers jours et la santé florissant­e des finances publiques permettra à Carlos Leitão d’être particuliè­rement généreux dans son dernier budget avant l’élection.

Pour la première fois depuis longtemps, les libéraux ne pourront pas axer leur campagne sur les conséquenc­es apocalypti­ques de l’indépendan­ce, mais l’émergence d’un rival fédéralist­e a rendu nécessaire l’articulati­on d’une politique constituti­onnelle dont ils s’étaient très bien passés en 2014.

Le sondage Léger témoigne que l’opération a été un succès. De toute évidence, les Québécois ne se font pas d’illusions sur les chances de voir le Canada anglais accéder aux demandes du Québec, ni même accepter d’en discuter, mais ils apprécient l’initiative du gouverneme­nt Couillard. De toute manière, vivre dans les limbes constituti­onnels ne semble pas les indisposer outre mesure. Pour la plupart, ce n’est pas un problème, ou alors il s’agit d’un «problème mineur». En fait, c’est précisémen­t cette indifféren­ce qui est le problème.

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