Un brownie à la mari de préférence
Évitez de fumer, disent des organismes de santé publique
C’est un cas où la médecine et le politique ne s’entendent pas, du moins pas complètement. Les ténors de la santé publique ont dévoilé vendredi leurs recommandations aux utilisateurs de cannabis en leur enjoignant d’éviter le plus possible de fumer la substance. Or le gouvernement fédéral, qui légalisera la marijuana à compter du 1er juillet 2018, n’autorisera pas les produits comestibles.
«Idéalement, vous devriez éviter complètement la combustion du produit et préférer les produits comestibles ou les autres formes de consommation», a expliqué en conférence de presse Ian Culbert, le directeur de l’Association canadienne de santé publique (ACSP).
Les produits comestibles posent une série de problèmes, reconnaît M. Culbert. « Nous voulons voir des règles très strictes au départ et un assouplissement avec le temps. On pourrait commencer avec un éventail très restreint de produits avec des indications très claires du dosage, de ce que représente une portion, etc.» M. Culbert dit s’inspirer de l’exemple raté à cet égard du Colorado. «On vendait des brownies qui représentaient quatre doses [de drogue]. Mais soyons honnêtes: qui d’entre nous ne mange qu’un quart de brownie?»
Le projet de loi fédéral sur la légalisation de la marijuana interdira la vente de produits comestibles. Par contre, les individus pourront en fabriquer à la maison dans la mesure où la drogue aura été achetée ou produite de manière légale. Au cabinet de la ministre de la Santé, Jane Philpott, on explique que le gouvernement ne ferme pas la porte pour toujours aux produits comestibles.
« Nous devrons concocter une réglementation, indique son attaché de presse, Andrew MacKendrick. Il y a des inquiétudes à propos de la taille des portions, du niveau de THC, de l’emballage. Il faut étudier tout cela.» Cela pourrait donc être permis, mais plus tard, quand plus de recherches auront été menées sur le sujet.
À cet égard, M. Culbert reconnaît qu’il faut éduquer la population à propos de la métabolisation du cannabis ingéré, qui est beaucoup plus lente que celle du cannabis inhalé. «Quand vous fumez, l’effet est presque instantané. Lorsque vous le mangez, ça prend au moins une heure. Un cas typique est quelqu’un habitué de fumer qui mange un premier brownie et, ne sentant rien, en mange un autre, puis un autre, et quand subitement l’effet survient, la personne se trouve en état de surdose. »
En ce qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies, les médecins recommandent d’attendre six heures avant de prendre le volant. «Nonobstant ce que la loi peut dire, les gens devraient catégoriquement, pour leur propre santé et pour la santé du public, s’abstenir de conduire [après avoir fumé de la marijuana] », a indiqué Benedikt Fischer, un scientifique au Centre de toxicomanie et de santé mentale, rattaché à l’Université de Toronto.
Le projet de loi fédéral sur la conduite avec facultés affaiblies stipule qu’un conducteur ne peut avoir une concentration de THC de plus de 5 nanogrammes par millilitre de sang (ng/ml). Au-delà de cette limite, il s’expose à une amende de 1000 $ et à des peines d’emprisonnement de plus en plus longues à chaque récidive. Pour une concentration de 2 à 5 ng/ml, il y aurait seulement une amende de moins de 1000 $. Le hic, c’est qu’on ignore à quelle consommation de cannabis ces concentrations de THC correspondent.
Contrairement à l’alcool, dont la corrélation entre la consommation et la concentration dans le sang est très linéaire et similaire pour tous, le cannabis est assimilé de manière très différente d’un individu à l’autre. Il est notamment stocké dans différents tissus. Certains pensent néanmoins qu’un seul joint suffirait pour atteindre cette concentration.
La ministre Philpott s’est réjouie de la publication de ces recommandations. «Santé Canada considère ce guide important et basé sur les faits comme utile pour aider les utilisateurs de cannabis à réduire les risques pour leur santé et leur sécurité », écrit-elle dans un communiqué de presse.