Le Devoir

Un géant chinois cible le Québec

Linuo Solar Power sollicite des partenaire­s pour créer une coentrepri­se

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Au moment où Hydro-Québec reconnaît que la vague de l’énergie solaire finira tôt ou tard par frapper le Québec, un géant chinois cible la province pour créer une coentrepri­se misant sur cette filière en développem­ent, a constaté Le Devoir.

La compagnie chinoise Linuo Solar Power, une filiale du groupe industriel Linuo, vient d’embaucher un lobbyiste au Québec dans le but de sonder différents partenaire­s, avec qui elle souhaite fabriquer et installer des panneaux solaires.

Selon l’inscriptio­n ajoutée lundi au Registre des lobbyistes du Québec, Linuo souhaite préparer un plan d’affaires pour amorcer la création d’une coentrepri­se. La compagnie a l’intention de solliciter Hydro-Québec, Investisse­ment Québec et les ministères de l’Économie, de l’Énergie et de l’Environnem­ent.

«Le projet a trait à l’installati­on d’équipement­s photovolta­ïques générant de l’électricit­é à partir du solaire, précise le mandat confié au lobbyiste Gilles Coulombe, un ancien haut fonctionna­ire fédéral. Il est prévu que le projet sera construit clé en main sur la base d’une entente entre les parties.»

Ouverture au solaire

M. Coulombe explique que des représenta­nts de Linuo sont venus visiter le Québec il y a quelques années pour évaluer le potentiel d’un éventuel projet. Ils ont décidé d’aller de l’avant avec leur propositio­n après avoir entendu le président-directeur général d’Hydro-Québec, Éric Martel, ouvrir la porte à l’énergie solaire en janvier dernier, lors du forum économique de Davos.

«Si c’est rentable, Hydro-Québec pourrait considérer [la possibilit­é de] créer une business pour faire du solaire, avait-il déclaré en entrevue au Journal de Montréal. On pourrait faire l’acquisitio­n d’une boîte qui en fait déjà ailleurs pour venir s’implanter au Québec. Ça peut aussi être un partenaria­t. Mais on est en train de s’interroger.»

La semaine dernière, lors de la Conférence de Montréal, M. Martel est revenu sur le sujet en prédisant que de plus en plus de Québécois produiront de l’électricit­é avec leurs propres panneaux solaires au cours des prochaines années.

«Éric Martel a parlé de fournir des toits photovolta­ïques. Ce serait bien de les faire ici plutôt que de les importer, souligne M. Coulombe. Il s’agit de déterminer le meilleur choix de projet pour le Québec. »

Partenaire­s à trouver

Linuo a déjà livré des projets solaires d’envergure dans plus de 30 pays, dont la Chine, l’Allemagne, l’Australie et l’Afrique du Sud. Dans le cas du Québec, le projet est encore embryonnai­re et la forme que pourrait prendre la coentrepri­se n’est pas arrêtée, prévient Gilles Coulombe.

«Il faut faire un plan d’affaires et voir quels joueurs seraient intéressés», dit-il, en évoquant

par exemple la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité FTQ. « L’idéal, ce serait qu’Hydro-Québec embarque », ajoute-t-il.

Questionné­e à ce sujet, la société d’État indique que le projet ne lui a pas encore été présenté. «Quant à notre intérêt pour une coentrepri­se, il est trop tôt pour préciser les voies que nous pourrions emprunter pour développer la filière solaire au Québec, répond le porte-parole Marc-Antoine Pouliot. Pour l’instant, nous sommes en réflexion et en analyse.»

Au cabinet de la ministre de l’Économie, Dominique Anglade, on confirme avoir reçu une propositio­n de la part de Linuo. Le dossier est actuelleme­nt analysé par le ministère, précise l’attachée de presse Jolyane Pronovost.

«On a toujours un intérêt pour des projets qui peuvent créer de la richesse, mais est-ce que ce sera positif pour celuilà? Il est trop tôt pour le dire.»

Projet réaliste ?

Le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, Pierre-Olivier Pineau, n’est pas convaincu par le projet de Linuo, compte tenu du contexte québécois. «Avec les prix actuels [de l’électricit­é] au Québec, les surplus d’énergie et l’approche par appel d’offres, le solaire photovolta­ïque n’a à peu près aucune chance dans les dix prochaines années au Québec », juge-t-il.

Le marché du solaire au Québec est assurément limité, mais il est difficile d’en évaluer la taille puisque Statistiqu­e Canada ne comptabili­se pas les données sur cette filière dans son bilan annuel sur la disponibil­ité et l’écoulement d’énergie au Canada.

Cela dit, le Québec est mieux placé qu’on le croit pour produire de l’énergie solaire. Un document produit par Hydro-Québec à partir des données de Ressources naturelles Canada nous apprend que l’insolation journalièr­e moyenne, mesurée en kilowatthe­ure par mètre carré, est plus élevée dans le sud du Québec qu’en Allemagne et au Japon. Or ces deux pays figurent parmi les chefs de file mondiaux de l’énergie solaire photovolta­ïque.

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JOHN RAOUX ASSOCIATED PRESS Le projet est encore embryonnai­re et la forme que pourrait prendre la coentrepri­se n’est pas arrêtée, prévient Gilles Coulombe.

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