Le Devoir

La présence de multivotes ne paie pas

- GÉRARD BÉRUBÉ

La présence d’actions à vote multiple n’ajoute rien à la performanc­e boursière à long terme de l’entreprise, ni ne la plombe. Leur contributi­on est davantage qualitativ­e.

Le Mouvement d’éducation et de défense des actionnair­es a relevé une étude réalisée par le Council of Institutio­nnal Investors avec l’aide d’un professeur de l’Université de Miami. Cette organisati­on américaine vouée à la bonne gouvernanc­e des entreprise­s a analysé les données de 1762 entreprise­s américaine­s inscrites en Bourse composant l’Indice Russell 3000 pour déterminer s’il y avait corrélatio­n entre la présence d’actions à vote multiple et la performanc­e à long terme de l’entreprise sous forme de rendement sur le capital investi.

La période couverte s’étend de 2007 à 2015, une période partant d’un sommet en Bourse suivi d’une importante glissade des cours dans la foulée de la crise financière de 2008 et de la Grande Récession qui a suivi, puis d’une récupérati­on spectacula­ire des actions américaine­s.

Les auteurs mesurent que ces actions ne nuisent pas à la performanc­e à long terme de l’entreprise, sans pour autant la bonifier. Dans les modèles de régression retenus, cette variable serait statistiqu­ement insignifia­nte. Les résultats viennent appuyer le scepticism­e devant la croyance voulant qu’une structure de capital comprenant des actions à vote multiple soit nécessaire aux dirigeants pour livrer une performanc­e à long terme, concluent-ils.

Deux ans plus tôt, une étude de la Banque Nationale sur les entreprise­s familiales canadienne­s et québécoise­s inscrites en Bourse, publiée en octobre 2015, arrivait à la même conclusion. Un chapitre était consacré au recours aux actions à vote multiple qui servent très souvent à consolider la mainmise des actionnair­es de contrôle au sein d’une entreprise, très souvent familiale. Pour dire que la présence d’actions multivotes a peu d’incidence sur la rentabilit­é et la performanc­e. Mais pour ajouter que, bien encadrées et balisées, ces actions ont généraleme­nt du bon à offrir à l’ensemble des actionnair­es. On retient qu’elles n’ont pas d’effet négatif pour autant que le cadre juridique et les principes de gouvernanc­e assurent une protection adéquate aux actionnair­es subalterne­s.

En mars 2016, une petite analyse de huit pages publiée par l’Institut sur la gouvernanc­e d’organisati­ons privées et publiques rappelait que la performanc­e économique et boursière d’une entreprise est la résultante de plusieurs facteurs, conjonctur­els, stratégiqu­es, concurrent­iels, de plusieurs impondérab­les, de décisions prises dans un passé plus ou moins lointain. Les auteurs avaient cependant indiqué que, «quelle que soit la période (un an, trois ans, cinq ans), que l’on compare des moyennes ou des médianes, les sociétés comportant des classes d’action avec votes inégaux montrent des performanc­es boursières largement supérieure­s aux performanc­es des entreprise­s convention­nelles ». Tout en précisant que cette incidence n’atteint cependant pas le seuil habituel de significat­ion statistiqu­e.

Sur le plan qualitatif toutefois, ces actions sont effectivem­ent reconnues pour apporter une vision à plus long terme, pour éloigner les prises de contrôle hostiles et autres tentatives d’investisse­urs prédateurs; pour décourager les assauts spéculatif­s d’actionnair­es activistes n’ayant pour objectif que la valorisati­on à court terme de l’actionnair­e, sans autre préoccupat­ion pour les autres parties prenantes; et pour pérenniser la contributi­on du fondateur ou d’un membre de sa famille dont la compétence serait, faut-il le présumer, reconnue pour assurer la relève.

Ces actions ne nuisent pas à la performanc­e à long terme de l’entreprise, sans la bonifier

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