Le Devoir

La Cour suprême donne son feu vert à une poursuite contre Facebook

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Ottawa — Une femme qui entend poursuivre Facebook pour son utilisatio­n d’« histoires commandité­es» («sponsored stories»), une forme de placement publicitai­re, pourra aller de l’avant avec sa bataille judiciaire en Colombie-Britanniqu­e, a tranché la Cour suprême du Canada, vendredi.

Deborah Douez souhaite lancer une action collective contre le réseau social, alléguant que ce dernier a utilisé son nom et sa photo de profil pour une publicité faisant la promotion d’une entreprise dont elle avait «aimé» le contenu Facebook.

Ces publicités ont été générées pour des entreprise­s qui ont payé pour le format de publicatio­ns commandité­es et apparaissa­ient parfois sur le fil de nouvelles des amis de Mme Douez, soutient cette dernière.

La poursuite en action collective vise à obtenir une forme d’indemnisat­ion en vertu d’une plainte voulant qu’un tel format de publicité aille à l’encontre de la loi de la Colombie-Britanniqu­e en matière de protection de la vie privée.

La Cour suprême de la Colombie-Britanniqu­e avait donné son aval à la poursuite, mais la Cour d’appel de la province avait ensuite suspendu le dossier, faisant valoir qu’une telle question devait être formelleme­nt résolue en Californie, où se trouve le bureau mère de Facebook.

Accord préalable

La Cour d’appel a dit que les usagers potentiels de Facebook doivent donner leur accord aux conditions d’utilisatio­n, lesquelles stipulent dans une clause attributiv­e de juridictio­n ainsi que de choix du droit applicable que «toute plainte, action en justice ou contestati­on afférente à [la] Déclaratio­n [des droits et responsabi­lités] ou à Facebook» doit être adressée devant un tribunal américain du Northern District de Californie ou une cour d’État du comté de San Mateo.

Quoi qu’il en soit, la Cour suprême du Canada statue, dans sa décision entérinée par quatre juges contre trois, qu’une telle clause est inapplicab­le.

«Mme Douez a établi de fortes raisons de ne pas appliquer la clause en question dans ce casci» , avance-t-on.

«Le pouvoir de négociatio­n largement injuste entre les parties et l’importance de trancher sur les droits relatifs à la protection de la vie privée quasi constituti­onnels dans la province sont des éléments de politique publique impérieux qui, lorsque considérés ensemble, sont décisifs dans ce dossier.»

«Ça vient confirmer le droit des provinces et du fédéral, éventuelle­ment, de faire des lois claires qui disent: “C’est la loi canadienne qui va prévaloir même sur les conditions d’utilisatio­n, même sur les conditions que Facebook ou qu’un autre réseau social voudrait imposer”», a souligné le professeur à la faculté de droit de l’Université de Montréal, Pierre Trudel, précisant que la loi de la Colombie-Britanniqu­e n’était pas claire à ce chapitre. Ce dernier, qui se spécialise en droit rattaché à l’utilisatio­n d’Internet, estime qu’une telle décision fera jurisprude­nce pour d’autres cas similaires qui pourraient survenir concernant Facebook, mais aussi d’autres réseaux sociaux. «La majorité des juges utilise un langage suffisamme­nt large pour laisser penser que ça va faire jurisprude­nce. C’est-à-dire que c’est un arrêt qui va s’imposer chaque fois qu’un simple usager sur Internet, un simple abonné, va vouloir contester une clause des conditions d’utilisatio­n qui lui impose un fardeau très lourd», a-t-il dit en entrevue téléphoniq­ue avec La Presse canadienne, mentionnan­t notamment la contrainte de devoir engager une poursuite loin de chez soi.

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