Des plantes pour contrer les problèmes environnementaux
Comment utiliser des plantes pour régler des problèmes environnementaux
Quel est le rôle des phytotechnologies pour des villes vraiment vertes? Quels sont les freins et les solutions à leur développement? Quel est l’état de la situation? Voilà quelquesunes des questions que posait la Société québécoise de phytotechnologie (SQP) lors de son dernier colloque. Pour y répondre, des conférenciers de la France, de l’Ontario et du Québec ont partagé leurs connaissances et leurs réalisations.
Les phytotechnologies? Il s’agit de l’usage des plantes pour régler des problèmes environnementaux, c’est-à-dire les îlots de chaleur, la gestion des eaux pluviales, la décontamination des sols, de l’air, de l’eau, etc.
Saint-Laurent innove
Le maire de l’arrondissement Saint-Laurent, Alan DeSousa, a étonné les participants en présentant une grande diversité de phytotechnologies mises en oeuvre dans son arrondissement. D’abord, pour réduire les îlots de chaleur, on a mis en place une réglementation visant le remplacement de revêtement des toits plats ou à faible pente. Ils sont désormais végétalisés ou recouverts d’un matériau pâle. Notamment, trois bâtiments municipaux ont maintenant des toitures végétalisés: les ateliers municipaux, le chalet du parc Painter et la bibliothèque du Boisée.
Ensuite, le ruisseau Bertrand a été aménagé afin de minimiser les rejets d’eaux pluviales à l’intercepteur municipal. Puis, lors de travaux de réfection de ses routes, l’arrondissement en profite pour intégrer des infrastructures de biorétention. Y sont dirigées les eaux pluviales pour être absorbées et décontaminées par le sol et les plantes, au lieu de s’écouler dans le réseau d’égouts.
Pour les mêmes raisons, plusieurs bassins d’eaux pluviales à retenues permanentes ont été créés et, afin de préserver la qualité de ces eaux, des techniques de phytotechnologie ont été utilisées: berme filtrante, noue et végétalisation de berge.
Les toits verts
Antoine Trottier, biologiste à La ligne verte, une entreprise d’aménagement paysager (toits, cours et murs), a fait état de la situation actuelle des toits verts au Québec. Sans être complètement hors course, le Québec fait face à des freins qui ralentissent leur développement: le poids des systèmes, les coûts, les réglementations, le politique et les politiques. C’est pourquoi a été formé le Groupe de travail sur les toitures végétalisées du Conseil du bâtiment durable du Canada – Québec en 2014.
Par exemple, il a recommandé que toute nouvelle construction puisse accueillir une toiture extensive et que la Ville de Montréal explore des initiatives financières pour encourager leur développement. Cette dernière recommandation est d’ailleurs pratiquée avec beaucoup de succès à Toronto (Ontario), Washington (D.C.), Chicago (Illinois) et Seattle (Washington). Pour finir, le Québec n’a jamais dépassé la phase 4 des 6 phases de l’élaboration de politiques et de programmes de toits végétalisés : la recherche technique...
Gestion des eaux pluviales
Olivier Damas, chargé de mission chez Plante & Cité, en France, a présenté l’association où il oeuvre, entre autres le projet VegDud. Plante & Cité est une association de 500 adhérents, dont des collectivités, des entreprises et des structures de recherche. Ils expérimentent et mutualisent l’information sur l’usage des végétaux en ville pour favoriser l’avancement des connaissances. Parmi leurs thèmes de recherche: végétal, paysage et urbanisme, sols et conduite des végétaux, écologie et biodiversité…
Le projet VegDud, pour le rôle du végétal dans le développement urbain et durable, évalue les stratégies de végétalisation de la ville notamment en fonction de la densification et des changements climatiques. On a constaté que l’hydrologie urbaine et la forme urbaine ont un impact sur l’efficacité de la végétalisation et que la gestion et les conditions de croissance sont des paramètres clés. Un excellent site Internet: plante-et-cite.fr.
Le financement pour la création d’infrastructures vertes pour la gestion des eaux pluviales est souvent difficile à trouver. Dans sa conférence, Sara Jane O’Neill, associée senior de recherche, a présenté le résultat d’un rapport qui propose des exemples et des pistes de solution. Par exemple, des programmes de crédits et de réduction de frais aux propriétaires installant des systèmes de gestion des eaux pluviales qui ont fait leurs preuves ailleurs: Portland (Oregon), Kitchener (Ontario) et Victoria (Colombie-Britannique).
À Philadelphie, le Programme de réaménagement d’acres végétalisés (GARP) a même permis de créer une industrie d’infrastructures vertes. Pourquoi pas chez nous ?
Le sujet vous intéresse? Le rapport est disponible à l’adresse institute.smartprosperity.ca/storm water.
Infrastructures naturelles et sélection des végétaux
Les infrastructures naturelles telles que les corridors écologiques et les trames vertes et bleues sont le pendant des infrastructures grises: routes, canaux, égouts… Louise HénaultÉthier, chef des projets scientifiques à la Fondation Suzuki, a expliqué l’importance d’allier les infrastructures naturelles aux phytotechnologies afin de créer des écosystèmes urbains fonctionnels et résilients.
Alliés… naturels, les deux partagent des objectifs communs, comme la réduction des îlots de chaleur et la gestion des eaux pluviales. L’arbre de rue, dans sa plus simple expression, est autant une infrastructure naturelle qu’une phytotechnologie permettant de rendre nos cités plus vivables, a-t-elle expliqué. Elle a également souligné que le développement de ces infrastructures est une question de politique.
Quant à Alain Paquette, professeur à l’Université de Montréal, il a démontré la nécessité de développer une nouvelle stratégie de plantation pour créer un couvert forestier urbain résilient dans le but de faire face aux changements climatiques et aux infestations. Actuellement, 60% des arbres dans nos villes sont des érables de Norvège et des frênes de Pennsylvanie.
L’élaboration d’un plan maître est essentielle pour amener de la diversité, car, selon les données récentes, tout indique que le réflexe est de poursuivre dans la continuité, selon lui. Présentement, le quartier Ahuntsic à Montréal sert de laboratoire à ciel ouvert pour faire les tests.
Ensuite, Isabelle Dupras, architecte paysagiste et chargée de projet chez Aiglon Indigo, une pépinière spécialisée dans la production de végétaux indigènes, a décliné les défis du milieu urbain pour la sélection et l’entretien des végétaux pour les ouvrages de phytotechnologie. En premier lieu, elle a fait remarquer que les attentes des citoyens envers ces ouvrages sont souvent les mêmes que pour les aménagements ornementaux. D’où l’importance d’une stratégie de communication à leur égard. Car la sélection des végétaux pour ces ouvrages est réalisée dans le but d’optimiser les processus phytotechnologiques.
Les facteurs à considérer pour l’entretien sont la fréquence, la croissance des végétaux et l’optimisation du couvert et des processus. Quant à la conception, elle doit être compatible avec les ressources disponibles. Même si cela semble aller de soi, ce n’est pas toujours le cas.