Cheval-Serpent : les femmes mènent la danse
Après Unité 9, Danielle Trottier s’intéresse au monde sulfureux des danseurs nus
L’automne dernier, lorsque Radio-Canada a annoncé que Danielle Trottier allait signer une nouvelle série tournant autour d’un bar de danseurs nus, on a fait tout un plat sur le fait qu’il allait y avoir de la nudité frontale. Chose promise, chose due, il y en a dans Cheval-Serpent, mais il faudra s’armer de patience et ne pas trop être gourmands ou gourmandes… et, surtout, garder l’oeil bien ouvert.
De fait, c’est avec parcimonie que Sylvain Archambault (Mensonges, Les pays d’en haut) dévoile les membres virils des danseurs. Et quels danseurs! Mis en valeur par la photographie de Jérôme Sabourin et les chorégraphies d’Uriel Arreguin (Le match des étoiles), qui a veillé à ce que les acteurs explorent leur sensualité, les cinq danseurs vus dans les trois premiers des dix épisodes de la série ont réellement le physique de l’emploi.
Grands, musclés, épilés, tatoués, les danseurs du Cheval-Serpent, bar ayant pignon sur Sainte-Catherine depuis plus de 20 ans, font rêver chaque soir les clientes de tous âges. La tension règne bientôt au sein de la troupe lorsque Julien (Alexandre Landry, qui fait preuve d’une étonnante souplesse), aspirant danseur diplômé en administration, est repêché par les propriétaires du bar, Dorice McQuaid (Sophie Prégent) et David Gauthier (Guillaume Lemay-Thivierge). Danseur étoile sur le déclin, Pete (Francisco Randez) voit d’un mauvais oeil cette nouvelle recrue qui fait déjà tourner les têtes, dont celle de Simone (Catherine St-Laurent), fille de David, Dorice et Dominique Lévesque (Élise Guilbault), compagne de Dorice et féministe la plus connue du Québec.
Quelles familles!
Vous l’aurez compris, Cheval-Serpent, c’est avant tout une histoire de famille. Ou plutôt, des histoires de familles. De familles éclatées, reconstituées, traditionnelles, dysfonctionnelles… Mieux encore, les rivalités familiales pourraient avoir des conséquences municipales! Ainsi, face au clan du Cheval-Serpent se tient le clan du maire de Montréal, Laurent Saint-Pierre (Daniel Parent), qui se croit à l’époque où Pax Plante luttait contre le crime et la corruption. Alors que son père, l’ex-maire Bernard Saint-Pierre (Paul Savoie), était ouvert d’esprit, fiston Saint-Laurent veut nettoyer la rue Sainte-Catherine afin de la rendre «respectable et cultivée». Exit donc les bars de danseurs!
Le hic, c’est que le maire n’aura pas la tâche facile, puisque David Gauthier n’est nul autre que son demi-frère, c’est-à-dire le fruit des amours adultères de l’ex-maire et d’Odile Gauthier (Louise Portal), propriétaire du bar gai de danseurs Le Doug. À son grand dam, Saint-Pierre fils comprend que Saint-Pierre père, qui se meurt, adore son fils illégitime. Outré, Laurent commet un geste irréparable. Pétri de remords, il confesse le tout à sa mère, Margaret Quesnel (Marie Tifo), que l’on pourrait surnommer la «reine-maire» tant elle dirige d’une main de fer ses hommes. Imperturbable, cette dernière ordonne à son fils de se taire afin de préserver la bonne réputation de la famille.
Secrets de famille
Les secrets bien gardés, les Gauthier et les Saint-Laurent connaissent bien. S’il a toujours soutenu et sorti du pétrin son fils David, Bernard n’a jamais dévoilé l’existence de celui-ci, pas plus le fait qu’il avait une maîtresse. Les choses sont toutefois sur le point de changer. David s’étant retrouvé une fois de plus dans le trouble en raison de son caractère intempestif, Laurent annonce à Dorice qu’il ne souhaite pas protéger son demi-frère. N’étant pas du genre à s’en laisser imposer, Dorice lui rappelle qu’elle est l’une de ses généreuses donatrices.
Il y a de fortes chances que les spectateurs se plaisent à détester Laurent, homme aveuglé par l’ambition, jouant aux mari et père modèles au bras de son épouse Anne Brisson (Marianne Farley), manipulé par sa mère, rongé par la jalousie envers son demi-frère. La tension promet de monter chaque fois que la guindée Margaret et la mal engueulée Odile seront en présence l’une de l’autre. L’humour piquant des répliques que s’échangent Dorice et David apportera un peu de répit dans cet univers où les coups sous la ceinture viennent davantage de ceux qui jouent les vertueux plutôt que de ceux qu’on accuse de flirter avec le vice. Quant à l’émotion, elle arrivera du côté de Dominique.
Femmes fortes
Alors que David et Dorice voudront que le Cheval-Serpent offre des spectacles encore plus corsés pour les dames, Dominique vivra des tensions avec leur fille Simone. Revenue de Lyon, où elle a fait ses études en anthropologie, la jeune femme songe à suivre les traces de Dorice, au grand dam de Dominique, qui espérait que Simone suive ses propres traces. Le destin s’acharnant sur Dominique, elle choisira de quitter la vie publique. Bien que l’amour existe toujours entre Dorice et Dominique, leur couple traversera de durs moments, lesquels entraîneront des scènes bouleversantes.
Intrigues denses et complexes, personnages féminins forts, dialogues d’une redoutable efficacité, Cheval-Serpent porte bien la griffe de Danielle Trottier. Il sera d’ailleurs intéressant de découvrir comment l’auteure d’Unité 9 décline son talent dans un format autre que le téléroman, où certaines intrigues stagnent durant des semaines, voire des saisons! s’étirent inutilement, s’égarent dans diverses directions. Si l’on se fie aux premiers épisodes, le format série lourde lui va comme un gant. Et Sylvain Archambault, qui tire le meilleur de chaque acteur, est bien l’homme qu’il fallait pour donner vie à cet univers masculin où les femmes font la loi. Cheval-Serpent Tous les épisodes disponibles sur ICI tou.tv Extra, dès mercredi