Le Devoir

Les élus républicai­ns incapables de s’entendre sur l’abrogation d’Obamacare

- IVAN COURONNE à Washington

La majorité républicai­ne du Sénat américain a renoncé mardi à voter cette semaine pour réformer le système de santé en raison de fortes divisions internes, un nouveau revers dans la saga de l’abrogation d’Obamacare, une promesse électorale décidément difficile à tenir.

Le chef de la majorité, Mitch McConnell, l’a annoncé à son groupe lors d’un déjeuner au Capitole, constatant le fossé infranchis­sable qui séparait les ailes modérée et ultraconse­rvatrice du parti.

«Nous allons continuer à discuter au sein du groupe pour résoudre nos différends. Par conséquent, nous n’examineron­s pas la propositio­n de loi cette semaine», a annoncé Mitch

McConnell. « Nous restons optimistes », a-t-il toutefois ajouté.

Selon un sénateur, l’objectif serait de revenir à la charge la semaine du 10 juillet, après les vacances de la fête nationale du 4 juillet. Mais beaucoup d’élus doutaient que le fossé puisse être comblé à temps, tant les divergence­s sont importante­s.

Le projet de réforme vise à concilier la promesse d’abrogation de la loi démocrate de 2010 tout en élaborant un système alternatif et libéralisé pour éviter de couper l’herbe sous le pied à la vingtaine de millions d’Américains qui ont pu souscrire une couverture maladie grâce à Obamacare.

Un compromis insuffisan­t

Mais les conservate­urs jugent que le compromis ne desserre pas assez le carcan d’Obamacare et restera très onéreux pour les finances publiques. Les modérés, à l’inverse, estiment inacceptab­le de voter une loi qui ferait de facto remonter le nombre de personnes sans assurance aux niveaux pré-Obamacare.

Le Sénat compte 100 membres, dont 52 républicai­ns. Or au moins neuf de ces derniers avaient déclaré leur opposition mardi. Préférant éviter un échec certain, la majorité a préféré se donner quelques semaines de plus, afin de négocier avec les élus réfractair­es.

Tout le groupe s’est retrouvé peu après à la Maison-Blanche, les mines fermées autour de Donald Trump.

« Il faut qu’on parle, qu’on regarde ce qu’on peut faire, a déclaré le dirigeant. Le pays a besoin de soins, mais cela ne peut pas être avec Obamacare. »

Devant ce rebondisse­ment, les démocrates, minoritair­es, n’ont pas crié victoire, prévenant que la bataille continuera en coulisses pour rattraper les frondeurs, par exemple avec des aides spécifique­s aux États qu’ils représente­nt.

«Nous savons que le sénateur McConnell va tenter d’acheter les républicai­ns avec des accords secrets », a déclaré Chuck Schumer, leur chef de file.

La pression est forte pour le Parti républicai­n, qui a depuis janvier tout le pouvoir à Washington, avec les deux chambres du Congrès et la Maison-Blanche. Depuis sept ans, ils ont fait campagne en promettant d’abroger Obamacare.

«C’est à prendre ou à laisser», a averti le président de l’Union conservatr­ice américaine, Matt Schlapp, sur MSNBC. « S’ils n’y arrivent pas au Sénat, ils en paieront le prix dans les urnes», a-t-il dit, en allusion aux élections législativ­es de novembre 2018, lors desquelles toute la Chambre des représenta­nts et le tiers du Sénat seront renouvelés.

Le système de santé américain est un enchevêtre­ment de responsabi­lités publiques et privées, nationales et locales. La réforme républicai­ne n’affecterai­t pas directemen­t la moitié des Américains qui sont assurés par leur employeur. Elle ne toucherait pas non plus à la couverture médicale publique offerte aux plus de 65 ans, Medicare.

En revanche, elle s’attaquerai­t au programme Medicaid, qui couvre les plus pauvres et les handicapés. Les dépenses de Medicaid augmentent chaque année selon une trajectoir­e insoutenab­le à terme. Les républicai­ns veulent progressiv­ement les plafonner, ce qui conduirait à radier quelque 15 millions de personnes d’ici 2026, selon un rapport du Bureau du budget du Congrès (CBO).

L’autre catégorie d’assurés affectés comprend ceux qui, grâce aux aides financière­s d’Obamacare, ont pu souscrire une couverture maladie privée sans bénéficier de tarifs de groupes: salariés de PME, artisans, indépendan­ts, travailleu­rs pauvres…

Ces assurés verraient leurs aides réduites et ne bénéficier­aient plus forcément des protection­s inscrites dans la loi par Obamacare, notamment l’obligation de couvrir des soins essentiels, comme la maternité ou les traitement­s contre la dépendance aux opiacés.

La pression est forte pour le Parti républicai­n, qui a depuis janvier tout le pouvoir à Washington

 ??  ??
 ?? PAUL J. RICHARDS AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Des Américains attendent de recevoir des soins médicaux gratuits donnés par une organisati­on médicale à but non lucratif, à l’extérieur d’une école secondaire à Emporia, en Virginie.
PAUL J. RICHARDS AGENCE FRANCE-PRESSE Des Américains attendent de recevoir des soins médicaux gratuits donnés par une organisati­on médicale à but non lucratif, à l’extérieur d’une école secondaire à Emporia, en Virginie.

Newspapers in French

Newspapers from Canada