Le Devoir

La DPJ et les médecins ont failli à leur devoir

- STÉPHANIE MARIN

«Des lacunes à toutes les étapes», tranche la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au terme de son enquête sur le décès d’un bébé, mort moins d’un mois après qu’il eut fait l’objet d’un signalemen­t auprès de la DPJ du Saguenay– Lac-Saint-Jean.

Ces manquement­s ont eu lieu dans les cabinets des médecins qui l’ont vu, au niveau de la priorisati­on du dossier par la DPJ quand le signalemen­t a été fait et après, dans la gestion du cas.

«Un mois. Et tout a été manqué», a déclaré en entrevue Camil Picard, vice-président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, responsabl­e du mandat jeunesse.

Il s’agit de l’un des pires dossiers que l’homme ait vus dans sa carrière, en ce qui concerne le traitement d’un cas signalé. «C’est extrêmemen­t douloureux et triste», a-t-il dit.

La petite victime est décédée en juin 2016, moins d’un mois après avoir fait l’objet d’un signalemen­t à la DPJ (Direction de la protection de la jeunesse).

Le bébé avait à peine plus de 20 mois. La cause de son décès n’est pas encore connue officielle­ment, le coroner n’ayant pas encore déposé son rapport.

La Commission a reçu le mandat de faire enquête sur ce cas en juillet 2016 à la demande de la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse, Lucie Charlebois.

Plusieurs constats se dégagent de l’enquête effectuée à la suite de cette triste affaire.

D’abord, plusieurs profession­nels de la santé ont vu l’enfant, à plus d’une occasion, mais ont omis de le signaler à la DPJ immédiatem­ent, malgré le fait que «sa situation était préoccupan­te». On parle ici entre autres de lacération­s à une oreille et à la langue. Après le signalemen­t, l’enfant a été vu aussi pour une fracture au fémur: il avait de la difficulté à marcher.

« C’est comme si le réflexe [de signaler] n’avait pas été là», a dit M. Picard.

Pourtant, les médecins ont l’obligation légale de le faire, souligne-t-il. Et puis, ce ne sont pas des blessures légères, commente l’homme. « Il me semble qu’il y a une lumière qui allume. »

Puis, quand le signalemen­t de cet enfant arrive sur le bureau de la DPJ, il n’est pas mis en haut de la pile. Le dossier est alors ouvert pour «négligence éducative» alors que le bébé portait des marques de nombreuses blessures et qu’il aurait dû, selon la Commission, l’être pour «abus physique».

Cela prendra 23 jours avant qu’un premier contact soit fait par la DPJ, a noté la Commission, «malgré la vulnérabil­ité de l’enfant et la gravité des faits indiqués au signalemen­t ».

«Nous sommes certains à la Commission que ça aurait demandé une interventi­on immédiate [de la DPJ] », quitte à conclure après enquête que les parents n’avaient rien à se reprocher et que l’enfant n’était pas en danger.

Quant à la procédure d’enquête «sur le terrain» qui doit être effectuée par la DPJ dans le milieu de vie de l’enfant, cette dernière a plutôt choisi de donner un rendez-vous aux parents dans son bureau. La mère est venue sans son enfant.

«On a vu une série de mauvaises pratiques», juge M. Picard, qui indique que l’enquête a créé un malaise au sein de ce bureau de la DPJ. Selon lui, la DPJ concernée ne s’est pas défendue en prétendant manquer de personnel ou de ressources.

«Notre système n’a pas été à la hauteur de ce qu’il doit être», a admis en point de presse Martine Couture, présidente et directrice générale du CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean, duquel relève la DPJ.

La Commission a formulé une série de recommanda­tions, notamment la révision des pratiques, la formation du personnel ainsi que le respect des normes et l’obligation d’agir dans les délais prescrits lors d’un code de priorisati­on 1, particuliè­rement dans les situations d’enfants de 0 à 5 ans.

La DPJ devra faire rapport à la Commission au plus tard le 1er octobre 2017.

Selon M. Picard, les parents de la victime sont visés par une enquête policière, toujours en cours.

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