Les jeunes familles pauvres: un groupe hétéroclite au Québec
Contrairement à la croyance populaire, quelque 4000 parents de jeunes enfants les plus pauvres du Québec ne forment pas du tout un bloc homogène, selon une étude de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). En fait, près de 40 % détiennent un diplôme universitaire et, dans le tiers de ces ménages, les deux parents s’échinent tous deux au travail.
Cet éclairage inédit découle des données tirées d’une vaste enquête sur le rôle des parents réalisée en 2015 auprès de quelque 15 000 ménages québécois (EPEQE), dont les résultats généraux avaient été présentés l’été dernier dans l’étude Mieux connaître la parentalité au Québec.
Selon ces données, les parents à faible revenu d’enfants de 0 à 5 ans, soit pas moins de 25% des parents québécois, présentent des profils très hétérogènes, menant à des expériences et comportements parentaux très différents à l’égard de leurs enfants.
Les données démontrent en outre que, dans la vaste majorité des ménages défavorisés (75%), au moins un parent travaille, et parfois même les deux parents, dans 37 % des cas.
Plus de la moitié de ces parents démunis sont d’ailleurs nés à l’extérieur du Québec. Ce portrait hétéroclite démontre que le défi d’être parent de jeunes enfants se présente sous divers jours, même si tous ces parents tentent de sur vivre avec très peu de moyens.
Manque de temps, manque d’argent
L’étude observe sans surprise que les familles à faible revenu recourent deux fois plus aux haltes-garderies, près de trois fois plus aux cuisines collectives et deux fois plus aux joujouthèques que les familles disposant de revenus plus élevés. Mais les chiffres signalent aussi que si un des parents d’une famille pauvre travaille, ces ménages sont 50% moins susceptibles de participer à des activités avec leurs enfants que celle composée de parents ne travaillant pas du tout.
Presque autant que le coût, qui arrive au premier rang des obstacles à l’accès à des services pour les familles, le temps et la fatigue viennent s’ajouter au fardeau de ces parents qui travaillent mais gagnent très peu.
Dans ces ménages où les deux parents travaillent, 70% mentionnent le manque de temps et 40% la fatigue comme obstacles majeurs à l’usage de services ou aux activités en famille, contre 46% et 32% dans les familles où les deux parents sont sans emploi.
«Ce qui est déplorable, c’est que même des parents avec deux salaires se retrouvent dans la catégorie à faible revenu! Ce sont les plus handicapés en matière d’accès aux services familiaux», observe Christa Jappel, professeure titulaire au Département d’éducation et de formation spécialisée de l’UQAM.
Cette dernière se demande d’ailleurs pourquoi l’enquête n’a pas cherché à voir comment le recours aux services de garde se répercute sur la vie de ces parents parmi les plus pauvres.
«Peut-être que ceux qui les fréquentent y retrouvent certains services sportifs et éducatifs et en ont moins besoin à l’extérieur. Ça aurait été éclairant de le savoir», affirme cette experte de l’impact des services de garde sur le développement infantile.
Chose certaine, ce regard lève le voile sur une réalité complexe et prise en compte, estime Lucie Gingras, analyste professionnelle à l’ISQ.
«On ne peut plus voir les familles à faible revenu comme un tout homogène, dit-elle. Il s’y trouve des gens très scolarisés et d’autres où les deux conjoints travaillent. Il faut aussi donner à ces gens des moyens d’avoir accès à des services aux familles.»
«Même des parents avec deux salaires se retrouvent dans la catégorie à faible revenu ! Christa Jappel, professeure titulaire au Département d’éducation et de formation spécialisée de l’UQAM