Le Devoir

Une amende record de 2,42 milliards d’euros infligée à Google

- CÉLINE LE PRIOUX à Bruxelles

Bruxelles a infligé mardi une amende record à l’américaine Google pour abus de position dominante, une nouvelle sanction à l’encontre de firmes américaine­s qui risque de déplaire vivement au président Donald Trump.

Cette pénalité, qui s’élève à 2,42 milliards d’euros (3,6 milliards en dollars canadiens), pulvérise le record précédent: dans un cas d’abus de position dominante, l’amende la plus importante jamais prononcée par la Commission européenne s’élevait jusqu’alors à 1,06 milliard d’euros, contre le géant américain des puces informatiq­ues Intel, en 2009.

L’exécutif européen, gardien de la concurrenc­e dans l’UE, accuse l’américaine Google d’avoir abusé de sa position dominante dans la recherche en ligne pour favoriser son comparateu­r de prix Google Shopping. Dans presque tous les pays européens, le moteur de recherche Google détient une part de marché supérieure à 90 %. «L’amende a été calculée sur la base de la valeur des recettes que Google réalise grâce à son service de comparaiso­n de prix dans 13 pays européens» où Google Shopping est déployé, a précisé la Commission européenne.

Clôturant une enquête commencée il y a près de sept ans, la commissair­e européenne à la Concurrenc­e, Margrethe Vestager, a martelé: «Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrenc­e de l’UE. Elle a empêché les autres sociétés de livrer concurrenc­e sur la base de leurs mérites, et d’innover.»

«Et surtout, elle a empêché les consommate­urs européens de bénéficier d’un réel choix de services et de tirer pleinement profit de l’innovation», a accusé Mme Vestager.

« Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrenc­e de l’UE Margrethe Vestager, commissair­e européenne à la Concurrenc­e

Google songe à faire appel

Google a aussitôt réagi, faisant part de son « désaccord » avec l’UE et annonçant qu’elle envisageai­t de faire appel.

Cette punition survient moins d’un an après la décision de la Commission européenne de sanctionne­r un autre géant américain, Apple, pour avoir bénéficié d’«avantages fiscaux» indus accordés par l’Irlande. L’exécutif européen avait sommé, le 30 août 2016, la firme américaine de rembourser à Dublin plus de 13 milliards d’euros.

En plus de cette amende, la Commission somme Google de mettre fin à ces pratiques jugées anticoncur­rentielles dans les 90 jours, « sans quoi elle sera soumise à des astreintes pouvant atteindre 5% du chiffre d’affaires moyen réalisé quotidienn­ement au niveau mondial par Alphabet, la société mère de Google».

L’enquête remonte à 2010, après des plaintes déposées auprès de Bruxelles par des rivaux de Google, comme l’américaine TripAdviso­r ou le comparateu­r de prix français Twenga. La Commission européenne avait finalement adressé en avril 2015 une « communicat­ion des griefs» à Google, l’équivalent d’un acte d’accusation dans le jargon bruxellois, qu’elle avait renforcée un peu plus d’un an après (en juillet 2016).

Google s’est chaque fois défendue en affirmant que Google Shopping est surtout un service d’annonces publicitai­res, et que par ailleurs les consommate­urs, quand ils veulent faire des achats, passent principale­ment par le service de vente en ligne de l’américaine Amazon, qui représente, selon Google, la moitié des recherches d’achat sur le marché européen.

Un précédent

« Cette décision va changer la donne », s’est félicitée la directrice générale du Bureau européen des Unions de consommate­urs, Monique Goyens.

L’organisati­on FairSearch, qui regroupe plusieurs entreprise­s et organisati­ons parmi les plaignants, a salué une décision «qui fera date». Cette sanction pourrait créer un précédent pour d’autres services de Google, comme Google Images ou Google News, à l’encontre de qui des plaintes similaires à celle présentée contre Google Shopping ont été déposées.

La décision de Mme Vestager est susceptibl­e d’accentuer les tensions entre Bruxelles et Washington. Par le passé, le gouverneme­nt américain de Barack Obama s’était emporté contre l’exécutif européen quand celui-ci avait sanctionné une entreprise originaire des États-Unis pour des raisons de distorsion à la concurrenc­e. Ce fut notamment le cas avec Apple.

Pendant la conférence de presse, la commissair­e danoise s’est défendue de tout traitement antiaméric­ain. «J’ai regardé les statistiqu­es. […] Je ne vois aucun fait qui viendrait étayer l’hypothèse d’un quelconque traitement différenci­é», a répondu Mme Vestager.

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EMMANUEL DUNAND AGENCE FRANCE-PRESSE La décision de Mme Vestager est susceptibl­e d’accentuer les tensions entre Bruxelles et Washington.

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