Union de fait entre Tadoussac et Petite-Vallée
Maintenant que leurs dates se croisent, les deux festivals optent pour la collaboration plutôt que la compétition
Ce n’est pas vraiment un mariage, davantage une union de fait. Alors que les festivals de musique de Tadoussac, sur la Côte-Nord, et de Petite-Vallée, en Gaspésie, démarreront en même temps pour la première fois jeudi, les deux événements ont décidé de multiplier les collaborations plutôt que d’alimenter la compétition.
C’est le Festival de la chanson de Tadoussac qui a un peu forcé les rapprochements en repoussant ses dates du début juin à la fin du même mois (du 29 juin au 2 juillet), pile pendant les célébrations musicales à Petite-Vallée (du 29 juin au 8 juillet).
Charles Breton, directeur général du festival de «Tadou», explique que les nouvelles dates des FrancoFolies leur causaient quelques soucis, et que la température ne collaborait plus comme avant. Il accuse les changements climatiques. «Ça fait 20 ans que je fais ça, et les 15 premières années j’ai eu 12 canicules, raconte M. Breton au bout du fil. Et les cinq dernières, j’ai eu trois catastrophes météo!»
Alors il a décroché le téléphone et appelé Alan Côté, son homologue gaspésien, pour lui annoncer la nouvelle. «Au lieu de se tirailler, on s’est assis pour savoir comment on pourrait travailler ensemble, raconte Côté, en conférence téléphonique avec son acolyte. Les deux équipes se sont rencontrées pour discuter des projets communs, et regarder les différentes facettes sur lesquelles on pourrait travailler.»
Points de rencontre
Dans un passé récent, les deux festivals ont raconté être dans des situations financières précaires, leurs organisations devant trimer dur pour garder la tête hors de l’eau. Mais le rapprochement entre ces événements n’aura que peu d’impacts économiques, exception faite de quelques partages de coûts.
Par exemple, les nouveaux associés ont partagé la facture pour avoir tous les deux dans leur programmation le musicien franco-hollandais Dick Annegarn, vétéran de la chanson signé sur la même étiquette que Thomas Fersen et Albin de la Simone.
Tadoussac et Petite-Vallée ont aussi créé cette année « Destination Chanson Fleuve», qui est la fusion des «chansonneurs» gaspésiens et des Chemins d’écriture, leurs projets respectifs d’encouragement et de formation de la relève. «Et ç’a fait boule de neige», lance Charles Breton, car les huit artistes de la relève qui y ont été choisis se sont aussi arrêtés à Québec et Montréal, une première.
Reste que chacun a bien sûr droit de jouer ses cartes à sa façon. Par exemple, Alan Côté a ciblé « sa clientèle de proximité » lors de son premier week-end, pendant lequel Tadoussac se déroule.
Les beaux yeux à… l’Europe
Les fiançailles de Tadoussac et de Petite-Vallée permettront aussi à une dizaine de professionnels européens — journalistes et travailleurs de l’industrie musicale — de visiter les deux villes. « On maximise les retombées du même dollar [qu’on dépense] pour les artistes et la visibilité du Québec en Europe», dit Charles Breton. Son homologue gaspésien est humble dans l’exercice: «on s’est pris tardivement, mais on va apprendre sur comment vendre notre produit. »
Le fait que les événements voient leurs dates se chevaucher permet aussi de faciliter le tourisme musical pour les passionnés de chansons venus de loin, d’autant que les deux villes se situent au bord du fleuve, dans des écrins idylliques. «On va voir avec les nouvelles dates, mais anciennement selon les années on tournait autour de cinq ou six pour cent [du public] qui étaient des touristes européens, qui étaient à Tadoussac à cause du festival à ce moment-là.»
Les détails
Les possibilités de travail en commun restent multiples. Alors que les deux festivals ont joint leurs forces pour une campagne de publicité, ils ont même exploré — sans succès — l’idée de relier les deux destinations par bateau.
Mais le diable est dans les détails, dit l’adage. C’est là où le partage d’informations entre les deux directeurs généraux peut être bénéfique. Charles Breton précise que pour leurs événements, tout ce qui touche le montage draine beaucoup de ressources humaines et financières. «Des petits trucs qui ont l’air bêtes font de grosses différences».
Et n’y a-t-il pas un danger de se cannibaliser ? «Le défi était de voir comment réagiraient les billetteries, de voir à quel point on a la même clientèle, confirme Alan Côté. Mais si la tendance se maintient, on va avoir une année record, c’est super.» Amen.