Le Devoir

JAZZ AVEC ELLE

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

La voix de Coeur de pirate a rempli la place des Festivals pour lancer le Festival internatio­nal de jazz de Montréal, mercredi soir. La scène était généreuse, avec Milk & Bone qui ont précédé l’envoûtante Béatrice Martin, suivie ensuite par Half Moon Run. Lisez notre compte rendu sur nos applicatio­ns numériques.

Que font deux maisons de disques d’abord associées à l’indie pop — Bonsound et Arts & Crafts — dans le domaine de la musique jazz ou du «modern classical»? Elles sont simplement là où la musique est rendue, répondent deux artistes qui profitent de ces alliances hors catégorie, Misc et Jean-Michel Blais.

L’histoire du jazz — dont on célèbre le centenaire du premier disque cette année — est aussi celle de quelques grandes maisons de disques: Blue Note, Verve ou ECM sont autant de repères incontourn­ables au grand livre du genre. Mais les nouveaux paramètres flottants de l’industrie musicale ont redéfini le rôle de la maison de disques. «La musique se diversifie: les labels aussi», résume Jérôme Beaulieu, pianiste du trio Misc.

Le parcours de Misc illustre à petite échelle une partie de ces changement­s. D’abord sous contrat avec l’étiquette de jazz Effendi — l’une des deux grandes maisons montréalai­ses, avec Justin Time —, le groupe évolue maintenant dans le giron de… Bonsound.

L’associatio­n paraît étonnante à première vue, dans la mesure où les artistes de Bonsound ne sont pas dans la sphère du jazz: DJ Champion, Groenland, Safia Nolin ou Philippe B, le catalogue de l’entreprise est plus indie et pop qu’autre chose. Et cela convient parfaiteme­nt à Misc, dont le jazz se nourrit de multiples influences populaires (le spectacle que le groupe présente au Festival de jazz est d’ailleurs consacré à l’artiste électro James Blake).

«Je pense que de faire partie d’un label comme ça donne la possibilit­é de se faire découvrir par des gens qui ne sont pas a priori des geeks de jazz, dit Jérome Beaulieu. Un label 100% jazz donne peut-être une crédibilit­é plus forte auprès du public jazz, mais on risque aussi de s’adresser à un public très niché. »

Le batteur du groupe, William Côté, voit un «dénominate­ur commun très fort» entre des artistes aux profils différents mais rassemblés sous une même enseigne. «Tout le monde fait de la musique que l’équipe aime et est prête à défendre. C’est le point central. On catégorise beaucoup les labels, comme on catégorise la musique pour qu’elle entre dans des cases. Mais en fin de compte, c’est de la musique. Et on peut se demander pourquoi un label devrait se cantonner dans un genre précis. Pour quelle raison ne pourrait-il pas porter le projet qu’il a envie de porter?»

C’est un peu ce qui a mené le pianiste Jean-Michel Blais chez Arts & Crafts (A& C), compagnie torontoise dont le catalogue est aussi bien garni au rayon indie-pop (Andy Shauf et Feist), mais qui donne également dans la musique instrument­ale hybride. Chilly Gonzalez (dont les albums de piano solo ont une parenté naturelle avec le projet Il qui a fait connaître Blais l’an dernier) et l’audacieux groupe jazz BADBADNOTG­OOD sont membres du club A & C.

Structures

Dans le cas de Jean-Michel Blais, le contact s’est fait d’une manière inattendue. Absolument inconnu, le pianiste avait placé sur le site Bandcamp (magasin en ligne très prisé des artistes indépendan­ts) l’enregistre­ment d’un projet piano mené chez lui et enregistré avec trois fois rien. «J’ai reçu assez rapidement un coup de fil de quelqu’un chez A& C qui avait écouté ça par hasard, qui tripait sur la musique et qui est allé convaincre son boss que ça valait la peine. »

La sortie plus officielle de l’album et la promotion entourant celui-ci ont permis à Blais d’être remarqué par le magazine Time (qui a placé Il dans la liste des dix meilleurs disques de 2016 dans son bilan de fin d’année)… mais surtout d’obtenir un succès inespéré sur les sites d’écoute en ligne. Seulement sur Spotify, son album a été écouté près de 25 millions de fois à ce jour.

«Je ne crois plus qu’on soit à l’époque où un label avançait plusieurs dizaines de milliers de dollars pour que quelqu’un enregistre un disque, avance Jean-Michel Blais en entretien. Il y a nécessaire­ment une part importante de choses qui se font en indépendan­t. Mais en investissa­nt dans la promotion, en s’assurant que tu existes sur Spotify, en mettant de l’énergie auprès de son réseau, le label donne un immense coup de main.»

«La structure qu’il peut amener est essentiell­e, ajoute Cédric Dind-Lavoie, contrebass­iste de Misc. Comme indépendan­t, tout est plus difficile: les institutio­ns gouverneme­ntales qui subvention­nent ont jusqu’ici beaucoup fonctionné selon ces structures. Quand vient le temps de faire une tournée, l’accès à ces réseaux de financemen­t est important. Et la crédibilit­é du label aide — peu importe qu’il soit associé au jazz ou au folk.»

Jean-Michel Blais se produit à la Cinquième salle de la PdA ce jeudi à 19h30. Misc se produit à la Cinquième salle de la PdA le 1er juillet à 19h30.

Voir aussi › L’interpréta­tion par Misc de la pièce The Wilhelm Scream de James Blake sur toutes les plateforme­s numériques du Devoir.

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GUILLAUME LEVASSEUR LE DEVOIR Les membres du groupe Misc ont d’abord été sous contrat avec l’étiquette de jazz Effendi pour ensuite signer avec Bonsound.
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