Le Devoir

Cyberrévol­ution attaquée.

La chronique de Gérard Bérubé.

- GÉRARD BÉRUBÉ

Cette «quatrième révolution industriel­le» sous le sceau du numérique subit les cyberattaq­ues à répétition. Les assauts se veulent toujours plus sophistiqu­és. Ils s’affinent plus rapidement que les défenses mises en place pour les contrer. À l’évidence, la cybersécur­ité ne parvient pas à combler son retard sur les «hackers».

Les analystes dressaient le même constat au lendemain de cette nouvelle attaque mondiale au «rançongici­el». Gouverneme­nts et entreprise­s ne prennent pas au sérieux leur transforma­tion numérique. Du moins, ils n’établissen­t pas correcteme­nt les risques associés à la convergenc­e des univers physique et virtuel. L’un de ces analystes a même été jusqu’à suggérer de relativise­r l’attaque précédente de mai, soutenant qu’elle n’a touché que 400 000 des deux milliards et plus d’ordinateur­s dans le monde. Comme si le nombre de victimes était plus important que la portée stratégiqu­e de la cible touchée. Pour reprendre une citation lue sur le Web, la démonstrat­ion du retour sur investisse­ment positif de la cybersécur­ité et des programmes de gouvernanc­e d’informatio­n reste à faire.

C’était le thème de l’édition 2016 du Forum économique mondial de Davos. L’élan de la troisième révolution industriel­le enclenchée en 1969 et plongeant l’économie mondiale dans l’ère du numérique est suffisamme­nt puissant pour engendrer une quatrième révolution industriel­le, disait-on. Et loin de n’être qu’une prolongati­on de la numérisati­on de l’économie, la prochaine vague aura sa propre individual­ité par sa vélocité, sa portée et son impact systémique. L’effet sera exponentie­l, et non linéaire. La transforma­tion qu’elle induira n’aura aucun précédent historique, a-t-on écrit.

Les technologi­es vont fusionner ou se juxtaposer, provoquant une convergenc­e des univers physique, numérique et biologique. Intelligen­ce artificiel­le, robotique, «internetis­ation» tous azimuts, voitures autonomes, impression 3D, nanotechno­logie, ordinateur­s quantiques… Les environnem­ents économique, politique et social subiront des changement­s tels que l’humanité aura à se redéfinir. Dans ses valeurs et dans la sauvegarde de la vie privée, pouvait-on lire dans une chronique de janvier 2016.

Cette marche vers ce futur immédiat est sans recul. Le cybercrime aussi. Les «hackers» affinent leurs stratégies, développen­t des attaques plus complexes et ciblées dans un univers interconne­cté toujours plus large et imbriqué. Le magazine spécialisé Alliancy a calculé que les seules attaques de «rançongici­el» ont augmenté d’environ 300% entre 2015 et 2016, sans montrer de signe de ralentisse­ment en 2017. Sans compter les nombreuses mais non chiffrées attaques dites DDoS.

90 millions d’attaques

Selon les données du gestionnai­re belge Degroof Petercam, les entreprise­s à elles seules font l’objet de 80 à 90 millions de cyberattaq­ues chaque année, près des trois quarts étant détectées sur le tard. Il est estimé que le cybercrime peut coûter jusqu’à 575 milliards $US par an en pertes de données, versements de rançons et remises à niveau, une facture appelée à toucher les 3000 milliards l’an au rythme de la montée en puissance de «l’Internet des objets» et autres technologi­es empruntant à l’intelligen­ce artificiel­le. Cette facture ne comprend pas les dommages à la réputation et les recours juridiques.

Les analystes spécialisé­s estiment que tant que le consommate­ur — pierre angulaire d’une industrie du numérique s’appuyant sur la confiance — demeure peu touché par ces attaques, c’est l’usage et la conviviali­té qui auront préséance. Mais l’hameçonnag­e et les failles de Windows ou encore celles de Yahoo! pourraient finir par altérer ce confort et modifier le «contrat» entre le consommate­ur et ses fournisseu­rs réseaux. Sans oublier toutes ces fuites à la Ashley Madison, WikiLeaks, LuxLeaks, Panama Papers, et ces piratages à des fins électorale­s…

Toujours selon ces spécialist­es, l’intelligen­ce artificiel­le, nouveaux mots à la mode, offre le potentiel de bonifier l’arsenal des systèmes de protection et antivirus perdant trop rapidement leur efficacité. Cet apport peut cependant jouer dans les deux sens, le portrait-robot du cyberattaq­uant n’étant plus le même. Il englobe aujourd’hui les États, les groupes terroriste­s et mafieux et les forces militaires.

Et Alliancy de s’interroger sur le risque de laisser l’intelligen­ce artificiel­le gérer l’inconnu et l’improbable.

Il est estimé que le cybercrime peut coûter jusqu’à 575 milliards $US par an

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