Le Devoir

L’homme abattu était en détresse psychologi­que

Dérangeant pour le voisinage, Pierre Coriolan devait être expulsé samedi de son logement

- SARAH R. CHAMPAGNE

L’homme abattu par des policiers mardi soir à Montréal devait être expulsé de son logement samedi prochain, en raison d’un comporteme­nt qui dénote des problèmes de santé mentale.

Pierre Coriolan, 58 ans, criait à répétition dans son logement, ouvrait et fermait constammen­t sa porte dans des allées et venues frénétique­s jusque tard dans la nuit, apprend-on dans une récente décision de la Régie du logement du Québec. Les pompiers avaient également dû se rendre sur place à deux reprises en septembre 2016, à cause d’aliments oubliés dans un chaudron.

Un avis d’expulsion avait donc été donné en raison de ces troubles « à la quiétude des lieux ». «Il était très désorganis­é dans les derniers mois», affirme Claudine Laurin, directrice générale de la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM).

« » Il était très désorganis­é dans les derniers mois Claudine Laurin, directrice générale de la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal

Chronologi­e préliminai­re

À l’arrivée des policiers mardi un peu après 19h00, l’homme en crise aurait tenu un tournevis dans chaque main, selon les informatio­ns préliminai­res communiqué­es au Bureau des enquêtes indépendan­tes (BEI). Des agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) étant impliqués dans cette mort, c’est le BEI qui est chargé de faire la lumière sur ces événements.

Ils auraient d’abord utilisé des pistolets à impulsion électrique et des balles de plastique avant de faire feu.

L’interventi­on policière a duré moins de 30 minutes au total.

«Ça a tellement mal tourné. Quand un lion se sauve du zoo, on le ramène vivant. Pourquoi on ne peut pas trouver d’autres moyens ? » demande, ébranlée, Claudine Laurin du FOHM.

Sans pouvoir analyser le cas en présence, l’ancien policier de la Sûreté du Québec François Doré a insisté: « Il faut comprendre que l’utilisatio­n de l’arme à feu répond à un seul besoin, c’est si une vie est en danger. »

Les informatio­ns transmises au BEI indiquent pour l’instant qu’il y a bel et bien eu une escalade des moyens mis à la dispositio­n des policiers.

C’est le FOHM, en tant que locateur de l’appartemen­t de Pierre Coriolan, qui avait demandé à la Régie de résilier son bail.

L’immeuble de 36 logements à loyer modique où M. Coriolan logeait ne s’adresse pas spécifique­ment aux personnes avec des problèmes de santé mentale, mais plutôt à ceux ayant vécu de « l’instabilit­é » résidentie­lle pouvant inclure des périodes d’itinérance, précise Mme Laurin.

Lors d’une rencontre la semaine dernière, il n’avait pas paru agressif, précise-t-elle. Une intervenan­te en soutien communauta­ire avait tenté une approche l’été dernier; le service d’urgence psychosoci­al du CLSC à proximité était également intervenu durant la même période.

Impossible cependant de savoir si M. Coriolan avait accepté d’être suivi en santé mentale, une décision qui lui appartenai­t, ajoute-t-elle.

Un événement qui n’est pas sans rappeler d’autres morts tragiques, dont celle d’Alain Magloire, abattu le 3 février 2014.

Réponse en interventi­on de crise

Le coroner chargé d’enquêter sur sa mort, Luc Malouin, avait entre autres recommandé d’augmenter le nombre d’armes à impulsion électrique sur le territoire du SPVM. Il estimait en outre primordial qu’un agent «RIC» (réponse en interventi­on de crise) soit présent dans chaque voiture de patrouille.

En avril 2016, moins d’un mois après le dépôt de ce rapport, André Benjamin est tombé sous les balles de policiers, malgré l’utilisatio­n du pistolet Taser.

Le SPVM n’a pas été en mesure de préciser combien d’agents ont été formés. Une unité spéciale de soutien aux urgences psychosoci­ales existe également, mais elle n’aurait pas été sur place au moment du drame.

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