Le Devoir

Une complaisan­ce préoccupan­te

- MANON CORNELLIER

Pour la seconde fois en trois mois, le gouverneme­nt Trudeau permet à une entreprise chinoise d’acquérir une entreprise de haute technologi­e canadienne produisant du matériel militaire. Et dans ce dernier cas, la décision a été prise sans même procéder à un examen en profondeur des risques potentiels pour la sécurité nationale. Cette affaire crée des remous aux Communes et ailleurs depuis que le Globe and Mail a révélé au début du mois de juin que la firme chinoise Hytera Communicat­ions prendrait le contrôle de Norsat, une entreprise de Vancouver spécialisé­e dans la haute technologi­e de communicat­ion pour, entre autres, les satellites et les réseaux sans fil civils et militaires. Cette compagnie compte parmi ses clients l’OTAN et l’armée américaine.

Deux anciens patrons du Service canadien du renseignem­ent de sécurité ont dit qu’un examen approfondi de cette transactio­n s’imposait. Au Congrès américain, on manifeste de fortes inquiétude­s. Le Globe écrivait mardi que, pour des raisons de sécurité, le départemen­t américain de la Défense allait revoir tous ses liens d’affaires avec Norsat. Cela n’a pas ébranlé le premier ministre Justin Trudeau, qui, en conférence de presse le même jour, s’est dit à l’aise avec cette transactio­n. Il a déclaré que jamais son gouverneme­nt n’approuvera­it une prise de contrôle comportant des risques pour la sécurité nationale. Il a poursuivi en notant que lors du processus d’examen des investisse­ments étrangers, les «agences de sécurité examinent la transactio­n, la technologi­e, les joueurs en présence. Elles consultent nos alliés, y compris les États-Unis, et déterminen­t s’il faut pousser l’examen plus loin ou non». Et cela n’aurait pas été jugé nécessaire dans ce cas-ci, dit-il.

Voilà qui surprend. Les entreprise­s chinoises, même celles dites privées, collaboren­t avec le gouverneme­nt chinois qui, à travers ces acquisitio­ns, a accès à des technologi­es très prisées. M. Trudeau se veut rassurant, mais on garde l’impression qu’il est surtout prêt à bien des contorsion­s pour charmer la Chine, avec qui il rêve de conclure un accord de libre-échange.

Le Canada a intérêt à diversifie­r ses marchés pour amortir les effets du protection­nisme américain, mais cela ne doit pas se faire au détriment de nos responsabi­lités en matière de défense. Nous avons des obligation­s envers nos alliés de l’OTAN et en particulie­r envers les Américains qui, au sein du NORAD, assurent le gros de la défense de notre continent.

Le gouverneme­nt doit revoir sa position et procéder à un examen en profondeur des risques potentiels pour la sécurité nationale associés à la vente de Norsat à Hytera. Agir autrement relève de l’imprudence, sinon de la négligence.

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