Le Devoir

Un pionnier du prêt-à-cuisiner abaisse les attentes

Blue Apron diminue le prix initial de son action à la veille de son entrée en Bourse

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Àla veille de son entrée en Bourse fort attendue, le pionnier américain du prêt-àcuisinier, Blue Apron, a décidé mercredi d’abaisser le prix initial de son action. Un geste qui a toutes les allures d’une réponse à l’acquisitio­n de Whole Foods par Amazon.

Dans la documentat­ion déposée le 19 juin dernier en vue de son inscriptio­n en Bourse, Blue Apron prévoyait que le prix initial de son action se situerait entre 15 et 17 $US, pour une valorisati­on estimée à 3,2 milliards de dollars américains.

Or mercredi, la compagnie fondée en 2012 a indiqué que le prix initial serait plutôt compris entre 10 et 11 $US, ce qui abaisserai­t

sa valorisati­on à 2,1 milliards de dollars américains.

Cet ajustement de dernière minute ne semble pas étranger au fait que le géant américain Amazon a acquis Whole Foods il y a deux semaines pour 13,7 milliards de dollars américains, provoquant un séisme dans le monde de l’alimentati­on.

Amazon n’a pas dévoilé ses intentions, mais plusieurs analystes estiment que cette transactio­n laisse présager l’incursion de la compagnie dans le secteur de la livraison de boîtes repas à domicile.

Forte concurrenc­e

En faisant son entrée en Bourse ce jeudi, Blue Apron souhaite frapper un grand coup dans un marché très concurrent­iel, où plusieurs compagnies jouent du coude.

Comme d’autres, l’entreprise basée à New York mise sur la livraison à domicile de repas prêt-à-cuisiner: en acceptant de payer un abonnement hebdomadai­re, les utilisateu­rs reçoivent une boîte

dans laquelle se trouvent les ingrédient­s en quantité exacte pour cuisiner différents plats.

Le concept permet aux gens pressés de bien manger, d’éviter les pertes et de découvrir de nouvelles recettes, à condition qu’ils aient l’argent nécessaire pour s’offrir le service.

Blue Apron, qui dessert les États-Unis, fait face à des concurrent­s comme Plated, Hello Fresh ou encore Sun Basket. Au Canada, la compagnie montréalai­se Marché Goodfood, qui a fait son entrée en Bourse au début du mois de juin, se mesure notamment à l’ontarienne Chef’s Plate. Blue Apron pourrait cependant traverser la frontière prochainem­ent, puisqu’elle a déposé une demande d’enregistre­ment de sa marque en juin 2016 à l’Office de la propriété intellectu­elle du Canada.

Si Blue Apron parvient à atteindre

jeudi une valorisati­on de 2,1 milliards US, elle le fera sans avoir réalisé de profit depuis ses débuts. Selon la documentat­ion dévoilée par l’entreprise, ses revenus ont explosé en l’espace de deux ans, passant de 77,8 millions en 2014, à 795,4 millions en 2016. Ses dépenses ont cependant suivi la même tendance, de sorte que la compagnie a enregistré une perte de 54,9 millions US en 2016.

Chose certaine, le marché de la livraison d’aliments et de repas attire les investisse­urs, puisque les firmes de capital de risque y ont investi 2,9 milliards de dollars aux ÉtatsUnis depuis 2015, selon un rapport de BNP Paribas.

S’agit-il d’un engouement démesuré? Le professeur de l’université Concordia Jordan LeBel, qui se spécialise en marketing alimentair­e, n’est pas de cet avis. «Est-ce qu’il y a une demande qui va perdurer à long terme? Je pense que oui », répond-il.

M. LeBel fait remarquer que les services offerts par des compagnies comme Blue Apron ou Goodfood s’adressent surtout aux «milléniaux», ces jeunes de 20 à 35 ans pour qui l’achat en ligne est naturel. «Dans cinq à dix ans, quand les “milléniaux” vont approcher du sommet de leur pouvoir d’achat, c’est à ce moment-là qu’on va voir ce type de service décoller», soutient-il.

Dans le secteur du prêt-à-cuisiner, les entreprise­s doivent dépenser beaucoup d’argent pour attirer des utilisateu­rs, souligne le professeur. Et comme elles ont du mal à les retenir, elles doivent sans cesse renouveler leur clientèle. Voilà pourquoi il prédit que seuls les joueurs ayant acquis une forte notoriété sur vivront.

Quant à Amazon, il n’est pas en mesure de déchiffrer ses intentions. Mais si l’entreprise décidait effectivem­ent de se lancer dans la livraison de boîtes repas, précise-t-il, elle anéantirai­t bien des compétiteu­rs sur son passage.

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MATTHEW MEAD ASSOCIATED PRESS Le geste de Blue Apron semble être une réponse à l’acquisitio­n de Whole Foods par Amazon.

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