Le Devoir

Des dons dirigés pour soutenir la communauté

De plus en plus de philanthro­pes veulent avoir un impact social sur leur milieu

- HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN Collaborat­ion spéciale

Alors que l’Université de Montréal vient de clore sa plus grande campagne de financemen­t, recueillan­t plus de 580 millions de dollars, l’heure est à l’analyse. Et force est de constater que les donateurs, petits et grands, sont aujourd’hui moins intéressés par le fait de financer des infrastruc­tures sur lesquelles ils pourront apposer leur nom que par le fait de participer à des projets propres à générer des retombées significat­ives pour la communauté.

Jusque-là, il y avait trois axes classiques en matière de bienfaisan­ce, du moins à l’Université de Montréal, explique Raymond Lalande, vice-recteur aux relations avec les diplômés, partenaria­ts et philanthro­pies de l’établissem­ent. Les dons pour les infrastruc­tures, le soutien aux étudiants — se traduisant généraleme­nt par un programme de bourses d’études —, ou encore le soutien à la recherche, à savoir la création et la dotation de chaires.

«Mais les moeurs ont changé, ajoute-t-il. Aujourd’hui, les philanthro­pes sont attirés par des concepts ayant un volet social important. C’est donc à nous de leur proposer des projets forts qui font appel à l’expertise de nos professeur­s et chercheurs, qui permettent à nos étudiants

de se former et qui sont ancrés dans la communauté.»

Parmi ceux-là, le projet phare de la campagne de financemen­t Montréal Campus, à savoir l’Extension. Un centre interfacul­taire de soutien en pédagogie et en santé pour les jeunes et leur famille qui résident dans le quartier Parc-Extension, l’un des plus démunis de l’île de Montréal.

«Au départ, il s’agit d’offrir des services en orthopédag­ogie à des enfants pour qui le français n’est souvent que la langue seconde, explique la directrice du programme, Josiane Robert, elle-même professeur­e adjointe en formation pratique au Départemen­t de psychopéda­gogie et d’andragogie de l’Université de Montréal. Et puis, le Départemen­t d’optométrie nous a rejoints parce qu’une grande partie des apprentiss­ages passe par la vue. La médecine dentaire fait également partie du projet, parce que nous avons affaire à une population qui n’a pas les moyens d’assumer ce type de soins.»

Le projet-pilote s’est installé à l’automne 2014 au sein même de l’école Barclay, en plein coeur du quartier. Depuis, plus de 600 élèves ont pu être examinés. Nombre d’entre eux avaient des caries évidentes, d’autres sont suivis en orthopédag­ogie, d’autres encore présentaie­nt des problèmes visuels et portent aujourd’hui des lunettes.

Et c’est là qu’intervient la philanthro­pie. Car ces parents n’étant pas à même d’offrir les soins ou de payer des verres correcteur­s à leurs enfants, l’Université est allée chercher des dons dirigés.

Résultat: la compagnie de verres correcteur­s Essilor a débloqué 100 000 dollars pour financer l’achat de lentilles et de lunettes. La Fondation Marcelle et Jean Coutu a quant à elle débloqué 2 millions de dollars. En plus d’une multitude de dons petits et moyens de la part de bienfaiteu­rs ayant adhéré au projet.

«L’objectif, c’est de sortir de l’école Barclay et de rejoindre les enfants des autres écoles du quartier, explique M. Lalande. Les élèves du secondaire également. Je ne vous cache pas non plus que d’autres facultés souhaitent embarquer dans le programme. Bref, entre le projet pilote et son institutio­nnalisatio­n, il y a un grand pas, que ces dons vont nous permettre de franchir.»

Aujourd’hui, le dépistage fonctionne bien. Mais l’argent va faire en sorte d’offrir plus de soins et de procéder à des examens approfondi­s qui nécessiten­t du matériel qui ne se trouve pas à l’école. Il faut alors se déplacer à l’université.

C’est là qu’un autre projet phare de la campagne de financemen­t Montréal Campus entre en scène, à savoir la constructi­on du nouveau Complexe des sciences Montréal MIL, sur le site de l’ancienne gare de triage d’Outremont.

«Il s’agit là d’un projet d’infrastruc­ture classique, indique Raymond Lalande. Mais si, dans ce campus, nous parvenons à accueillir les enfants de Parc-Extension tant pour des soins des yeux que pour des soins dentaires, alors nous sommes presque à distance de marche de la communauté que nous souhaitons rejoindre. C’est tout particuliè­rement à ce service de proximité que la Fondation Marcelle et Jean Coutu a adhéré. Pour nous, c’est un signal fort. La preuve que les bienfaiteu­rs sont très sensibles à des valeurs.»

Les bienfaiteu­rs susceptibl­es de financer les projets, mais aussi les professeur­s et les élèves qui ont l’expertise ou qui cherchent à l’acquérir.

«Il y a plusieurs formes de philanthro­pie, estime Josiane Robert. Le temps et l’ardeur que met le personnel de l’université dans ce projet, c’est une forme de don. Ils ne comptent pas leurs heures. Et lorsqu’ils ont terminé leur stage, les étudiants nous demandent comment ils peuvent continuer à contribuer. Je ne cache pas qu’au départ, ils ont un peu peur de ce terrain. Les milieux défavorisé­s, ils connaissen­t mal. Mais en fin de compte, ils se rendent compte de toute la richesse qu’il y a ici, et ils veulent aider.»

Dans la même veine, l’Université de Montréal soutient le projet SEUR (pour «Sensibilis­ation aux études, à l’université et à la recherche»). Mis sur pied en 2000, celui-ci encourage la persévéran­ce scolaire chez les élèves du secondaire et les étudiants du collégial en leur permettant d’explorer différente­s perspectiv­es d’études et de carrières.

«L’idée est de convaincre les jeunes, notamment ceux issus des milieux défavorisé­s, que faire des études universita­ires, c’est possible, explique Raymond Lalande. Le programme n’est pas jeune, mais nous souhaitons l’étendre et diversifie­r les activités offertes. Nous sommes donc à la recherche de dons.»

Et M. Lalande de conclure que ce nouveau volet du financemen­t philanthro­pique s’inscrit dans l’identité même de l’Université de Montréal.

«Nous sommes une université citoyenne, proche de son milieu, sensible aux grands enjeux de notre société. Nous avons un bassin d’expertises phénoménal que nous souhaitons mettre au service de la communauté.»

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FACEBOOK L’EXTENSION L’Extension est un centre interfacul­taire de soutien en pédagogie et en santé pour les jeunes et leur famille qui résident dans le quartier Parc-Extension, l’un des plus démunis à Montréal.
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FACEBOOK L’EXTENSION À l’automne 2014, l’équipe du projet-pilote l’Extension a posé ses pénates au sein même de l’école Barclay.
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Raymond Lalande

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