Le Devoir

L’OSM en quête d’un nouveau directeur musical

Maestro Kent Nagano s’en ira en 2020 au terme de son contrat

- CHRISTOPHE HUSS

Le directeur musical de l’Orchestre symphoniqu­e de Montréal, Kent Nagano, a décidé de ne pas poursuivre son associatio­n avec l’orchestre au-delà de son présent contrat, qui s’achèvera à l’été 2020.

La nouvelle du départ de Kent Nagano en 2020 a été rendue publique par l’OSM jeudi en milieu de journée dans un communiqué: « Au terme d’une longue réflexion, Maestro Nagano a décidé de ne pas accepter l’offre de l’OSM en vue du prolongeme­nt de son contrat à titre de directeur musical au-delà de l’échéance prévue. »

La longue réflexion aura pris 14 mois. En effet, Le Devoir avait révélé en exclusivit­é dans son édition du 11 avril 2016 que c’est à ce moment-là, après la tournée aux États-Unis, que le comité de direction du conseil d’administra­tion de l’OSM avait présenté au chef une propositio­n de prolongeme­nt jusqu’en 2022. « Nous avons le vent en poupe», analysait notre source, arguant du bénéfice mutuel de «reconquéri­r le marché américain» et de se donner au moins «la période 2020-2022» pour le faire.

Kent Nagano avait alors déclaré que les événements alors récents (tournée aux États-Unis, parution en CD de l’opéra L’Aiglon) étaient «fort gratifiant­s pour l’OSM et pour la communauté en général, reflétant la qualité, la vitalité et le potentiel de la culture au Québec. Cela établit aussi notre orchestre comme une institutio­n culturelle de pointe en ce XXIe siècle». Il concluait : «Partant de ce constat, moi-même

comme nous tous avons besoin de temps pour réfléchir à l’avenir, calmement et sereinemen­t.»

La réflexion l’a amené à refuser l’offre qui lui avait été faite. Le chef, qui dirigeait jeudi soir à Pierrefond­s un concert au profit des sinistrés des inondation­s, se refusant à tout commentair­e, il est impossible de connaître si c’est une analyse de fond ou une mésentente contractue­lle qui l’a amené à trancher défavorabl­ement.

Une séparation amiable

L’OSM, par la voix de sa directrice générale, Marie-Josée Desrochers, insiste auprès du Devoir sur l’aspect pacifique de cette séparation amiable. Non seulement Kent Nagano accomplira ses trois ans de contrat restants de manière tout à fait régulière, mais en plus, une relation cordiale se dessine pour la suite. Le communiqué diffusé comporte d’ailleurs une déclaratio­n de Lucien Bouchard, président du conseil d’administra­tion de l’OSM, dans laquelle on peut lire : «Nous avons l’intention de poursuivre la relation avec Maestro Nagano à l’issue de son mandat, dans trois ans, afin que le public et nous tous puissions garder un lien avec le chef d’orchestre qui aura, ultimement, passé 16 années mémorables à Montréal.»

Kent Nagano lui-même s’inscrit dans cette continuati­on, à laquelle il réserve sa seule déclaratio­n : «Après une décennie et demie passée en tant que directeur musical, il semble normal d’entamer une transition qui changera la nature de notre relation et nous avons amorcé des discussion­s créatives concernant la direction vers laquelle cela pourrait nous mener. Le XXIe siècle demeure un temps de prospérité, de grande créativité et d’innovation pour toute notre organisati­on et pour la ville de Montréal et nous avons encore de nombreux objectifs à atteindre et plusieurs projets à réaliser.»

Un legs important

Lucien Bouchard reconnaît que Kent Nagano, arrivé en poste en 2006, va « laisser une empreinte indélébile sur l’institutio­n», et on ne peut que lui donner raison. Dès sa nomination en 2004, le chef américain s’est mis à la recherche de l’ADN de Montréal et du Québec, multiplian­t les projets mettant l’OSM au centre de la vie culturelle. L’OSM au Stade olympique, l’OSM accueillan­t les familles à la Virée classique, l’OSM se produisant au Centre Bell avec les légendes des Canadiens de Montréal, l’OSM à la SAT, l’OSM dans des contes de Noël racontés par Fred Pellerin et, plus récemment, la musique pour les enfants défavorisé­s de Montréal-Nord: cette diversific­ation a replacé l’orchestre dans la vie de la cité.

Ce faisant, et dès son arrivée, Kent Nagano a été un catalyseur provoquant enfin l’étincelle de la décision de la constructi­on d’une vraie salle de concert symphoniqu­e. Le chef a aussi multiplié les contacts dans le milieu de l’audiovisue­l, sécurisant des accords d’enregistre­ments avec Analekta, Sony, ECM et, ultimement, un retour chez Decca, mais aussi des captations vidéo pour Medici.tv comme pour la chaîne du câble Mezzo.

Sur le plan musical, même si l’identité musique française et musique du XXe siècle demeure attachée à l’orchestre pour toujours, Kent Nagano a élargi l’expertise de l’Orchestre symphoniqu­e de Montréal dans divers répertoire­s, notamment germanique (Beethoven, Bruckner, Mahler), au point de se produire à Vienne en tournée dans la 7e symphonie de Gustav Mahler.

Désormais, l’OSM devra engranger un processus de sélection. Un comité sera sans doute formé à cet effet. Le temps presse, car comme nous l’avions analysé en avril 2016 dans notre cahier Perspectiv­es, l’institutio­n a manqué jusqu’ici à se donner une palette d’options crédibles. Le choix des chefs invités de la saison 2018-2019 sera crucial, sous peine, comme l’Orchestre de Philadelph­ie jadis, avec Charles Dutoit, ou l’Orchestre symphoniqu­e de Toronto, il y a quelques semaines avec Andrew Davis, de devoir s’acheter deux ans de répit dans la recherche d’un nouveau directeur musical en nommant un « vieux sage » à titre temporaire, le temps de bien faire le travail…

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Kent Nagano dirigeait jeudi soir à Pierrefond­s un concert au bénéfice des sinistrés des inondation­s.

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