Le Devoir

› La lutte pour l’égalité piétine au Québec.

Lise Thériault annonce le «plan féministe» de son gouverneme­nt.

- ISABELLE PORTER

Malgré les avancées des dernières décennies, les femmes continuent d’être moins payées que les hommes au Québec et peinent à percer dans les secteurs traditionn­ellement attribués au genre masculin, constate le gouverneme­nt dans sa nouvelle stratégie pour l’égalité vers 2021.

«L’évolution de l’égalité entre les femmes et les hommes nécessite une nouvelle impulsion», avance le document dévoilé jeudi par la ministre de la Condition féminine, Lise Thériault.

«Lors des travaux de consultati­on, plusieurs organismes gouverneme­ntaux ont évoqué un “plafonneme­nt” dans la progressio­n de l’égalité. »

Cette stagnation est particuliè­rement marquée dans le monde du travail, où les femmes se concentren­t dans les domaines qui leur étaient traditionn­ellement dévolus, comme les soins, le travail de bureau ou la vente (56,1% des femmes y travaillen­t). Une proportion qui a à peine baissé depuis 30 ans (59,2 % en 1987).

Du côté des programmes profession­nels, on constate en outre que les jeunes femmes demeurent plus attirées par la santé et les soins esthétique­s et que les jeunes garçons se destinent plus au travail en bâtiment, à l’entretien d’équipement motorisé, à l’électroniq­ue et à la métallurgi­e.

À cela s’ajoutent des écarts de salaire qui oscillent autour de 20 %, soit un revenu médian de 34 932 $ pour les femmes et de 44 388 $ pour les hommes.

Au-delà du choix du métier, «les stéréotype­s sexuels et l’iniquité dans la répartitio­n des tâches familiales ou domestique­s sont, à titre d’exemple, tout autant de facteurs pouvant expliquer que les revenus des femmes demeurent moindres que ceux des hommes », écrit-on dans le document.

Interrogée à ce propos, la ministre Thériault explique que «même quand on fait des avancées, les acquis demeurent fragiles». À titre d’exemple, la proportion de femmes élues à l’Assemblée nationale a diminué au cours des dernières années, note-t-elle.

Autre exemple: les femmes dans le monde des affaires, dit-elle. La proportion de femmes entreprene­ures est passée de 20 à 39% depuis 1986, mais les hommes sont encore deux fois plus nombreux que les femmes à être propriétai­res.

Or les sondages révèlent que la population n’est pas très consciente de ces écarts. « Plusieurs personnes croient que l’égalité de fait est acquise au Québec et que ce n’est pas un sujet de discussion», déplore la nouvelle présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), Louise Cordeau. «Mais quand on regarde les chiffres, on constate qu’il y a encore beaucoup de travail.»

Des fonds jugés insuffisan­ts

Afin de renverser la vapeur, le gouverneme­nt s’engage à injecter 80 millions dans la «Stratégie gouverneme­ntale pour l’égalité entre les femmes et les hommes — vers 2021 ».

Une somme jugée insuffisan­te par le Parti québécois, Québec solidaire, la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE) et le Réseau des tables régionales de groupes de femmes.

Tous soulignent que l’enveloppe ne contient que 32 millions en argent frais par rapport à ce que contenait le dernier budget et que, de toute façon, le travail à abattre nécessiter­ait davantage.

Les pistes d’action ratissent large. On officialis­e les cours d’éducation dès la maternelle, on veut financer des stages pour les femmes dans des milieux non traditionn­els comme la constructi­on, sensibilis­er les femmes immigrante­s à leurs droits, offrir des formations sur les règles d’appels d’offres aux femmes entreprene­ures, etc.

Mais les deux priorités de la ministre sont la création d’un Indice de l’égalité qui permettra de mesurer les progrès réalisés et ceux qui restent à faire et l’adoption d’une loi-cadre sur l’égalité.

Mme Thériault a en outre mis en place des mécanismes avec le monde municipal pour que les femmes soient plus nombreuses à participer aux élections municipale­s de l’automne prochain. À l’heure actuelle, moins d’une municipali­té sur cinq est dirigée par une femme au Québec.

Enfin, la ministre a beaucoup insisté jeudi sur la participat­ion des hommes aux initiative­s visant à atteindre l’égalité. Un discours qui a suscité des inquiétude­s au sein du Réseau des tables régionales de groupes de femmes. « L’accent était beaucoup mis là-dessus en dépit de l’expertise des groupes de femmes», observe leur porte-parole, Marie-Andrée Gauthier. « Juste avoir des projets pour que les hommes soient nos alliés, ça peut avoir ses limites. » Priée de réagir, la ministre Thériault a dissipé ces craintes. «Mme Thériault croit que l’égalité entre les femmes et les hommes ne peut être atteinte si les hommes ne sont pas aux côtés des femmes », a communiqué son attachée de presse jeudi en fin de journée. «Toutefois, cela n’enlève aucune crédibilit­é aux groupes de femmes. Ces derniers ont fait beaucoup pour l’avancement des femmes et continuero­nt à en faire. Il n’est donc pas question d’enlever à l’un pour en donner à l’autre. »

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR La ministre de la Condition féminine, Lise Thériault, accompagné­e de ses collègues Kathleen Weil et Rita de Santis a présenté jeudi la stratégie gouverneme­ntale visant à relancer la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes.

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