Le Devoir

Charles Lloyd, un géant parmi nous

- SERGE TRUFFAUT Collaborat­eur Le Devoir

C’est bien simple, des géants du jazz qui sculptent des notes profondes, donc jamais racoleuses, sur leur saxophone ténor, il n’en reste plus que trois, et trois seulement : Sonny Rollins, évidemment, Wayne Shorter et Charles Lloyd. Joe Lovano ? Il est bon, mais il n’a pas le tonus de ces trois-là. Chris Potter ? Vous rigolez ! Il est parfait dans son rôle de saxophonis­te pour «BCBG-branchép’tit Blanc », mais pour le reste… quelle froideur! Si froid qu’il se confond avec le jazz du goulag. C’est dit.

Des trois champions de la catégorie poids lourd, Lloyd est celui qui occupera une scène durant cette nouvelle édition du FIJM. Celle de la Maison symphoniqu­e de Montréal le vendredi 30 juin à 20 h. Il se présentera à la tête d’un quartet à l’architectu­re musicale modifiée: le pianiste Gerald Clayton, soit dit en passant fils du contrebass­iste Jeff Clayton, a remplacé Jason Moran, qui lui avait remplacé l’immense Geri Allen.

On précise l’évolution pianistiqu­e de ce groupe parce qu’il est très révélateur de ce qui distingue particuliè­rement Lloyd: se dépasser, toujours et encore. Pour lui, l’immobilité, nous avaitil confié lors d’un lointain entretien, alimente l’effroi, le cauchemar. À cet égard, pour rester le plus loin possible des rives de l’effroi, il avait posé, il y a longtemps de cela, un geste très singulier et commun avec ce que fit avant lui Sonny Rollins.

Pendant des années, il s’est retiré de la scène. En effet, après avoir donné leurs premières chances à Jack DeJohnette et Keith Jarrett, dans les années 1960, après avoir accompagné les Byrds, les Beach Boys et le Grateful Dead, celui qui joua auprès de B. B. King et de Howlin Wolf a tiré le rideau et, comme Rollins, s’est appliqué à méditer des lunes durant. Cela précisé, on ne sera pas étonné d’apprendre que Lloyd est l’emblème du jazz lumineux, aérien, clair comme de l’eau de roche, rythmé parfois par des coups de gueule politiques qui témoignent en fait de son humanisme. Car humaniste, il l’est jusqu’au bout des ongles.

Après avoir été sous contrat avec ECM pendant une vingtaine d’années, il s’est lié avec Blue Note, dirigée désormais par Don Was, plus connu pour être le producteur des Rolling Stones. Dans le cadre de cette associatio­n, il a déjà publié deux albums dont un sommet intitulé I Long to See You, qui comprend notamment le Masters of War de Bob Dylan. Dans deux semaines va paraître Passin Thru, fait de pièces enregistré­es live à Montreux et à Santa Fe, au NouveauMex­ique, avec Jason Moran au piano.

Charles Lloyd à la Place des Arts égale jour de fête.

Avec le trompettis­te Wallace Roney, qui se produira à l’Upstairs les 6 et 7 juillet, se pose immanquabl­ement la question suivante: fut-ce une chance ou non d’avoir été le protégé, pour ne pas dire l’héritier désigné, de Miles Davis ? Car depuis que ce dernier lui a donné une de ses trompettes, depuis qu’il lui a dispensé des leçons musicales, on n’a jamais cessé de l’associer au maître du jazz et donc d’imprimer sur son parcours le syndrome du «fils de». C’est bien dommage.

Oui, c’est bel et bien regrettabl­e, car cela revient à faire passer au second plan la réalité musicale de Roney. Laquelle ? Il est tout simplement l’un des trois plus grands trompettis­tes de jazz. Et ce, depuis près de trente ans. Chose certaine, avec Dave Douglas et Wadada Leo Smith, Roney est la personnifi­cation du jazz éclatant. Lors de ses prestation­s à l’Upstairs, il sera entouré de Ben Solomon au saxophone ténor, d’Oscar Williams au piano, de Curtis Lundy à la contrebass­e et de Carl Allen à la batterie. Autrement dit, ce quintet est une assemblée de poids lourds.

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Charles Lloyd

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