Le pape François éclaboussé par l’affaire George Pell
C’était une épée de Damoclès au-dessus de la tête du pape François depuis plusieurs mois. Déjà fragilisé par de fortes contestations internes, le chef de l’Église catholique doit faire face à l’une des crises majeures de son pontificat: la convocation devant la justice civile de l’un de ses hommes de confiance pour des faits de pédophilie.
Numéro trois du Vatican, le cardinal George Pell, responsable des dossiers économiques, comparaîtra le 18 juillet devant la justice de son pays, à Melbourne en Australie, pour de multiples sévices sexuels sur mineurs.
C’est la première fois qu’un cardinal de l’Église catholique (la plus haute fonction après celle de pape) doit répondre de telles accusations. « C’est une journée très difficile pour le pape », souligne un expert du Vatican.
D’abord nommé, en 2013, au conseil des cardinaux, une instance créée par François pour le seconder, Pell a pris la direction, l’année suivante, du secrétariat pour l’économie, un poste très stratégique. À l’époque, le Vatican se devait de mettre en ordre ses finances et sa banque, suspectée d’abriter des milliers de comptes douteux.
Malgré les soupçons qui pèsent depuis longtemps sur le prélat, François lui a continuellement — ou du moins publiquement — maintenu sa confiance.
«Il ne serait pas correct de juger avant la conclusion de l’enquête, avait-il déclaré, en août 2016, interrogé par des journalistes sur le cas Pell. Il y a des doutes. Nous devons éviter tout procès médiatique, un procès qui s’appuie sur des ragots.» Deux mois plus tard, la police australienne se déplaçait au Vatican pour auditionner le cardinal.
«Aile conservatrice»
Pour l’historienne italienne Lucetta Scaraffia, «le pape a cru à l’innocence de George Pell, qui a toujours nié les faits qui lui sont reprochés. Comme beaucoup de personnes qui ont vécu sous des régimes de dictature, il redoute les calomnies dont des membres du clergé peuvent être l’objet. »
En cela, l’attitude du jésuite argentin est assez proche de celle qu’avait, en son temps, Jean-Paul II. «Le cardinal Pell appartient à l’aile conservatrice de la curie, explique le vaticaniste Iacopo Scaramuzzi. Il a exprimé à plusieurs reprises son opposition à des réformes mises en route par François. »
Le prélat australien s’est joint ainsi à ceux qui critiquent ouvertement l’ouverture faite en direction des divorcés remariés. Auparavant, Pell s’était aussi distancié de l’encyclique sur l’écologie, Laudato si', publiée en juin 2015.
Du coup, il peut paraître surprenant que le prélat australien ait été le numéro trois au Vatican. «François a été élu avec l’appui de plusieurs conservateurs.
Pell a joué un rôle certain lors du conclave, explique Iacopo Scaramuzzi. C’est Pell luimême qui est venu proposer ses services au pape, ajoute, de son côté, une source au Vatican. Il bénéficiait d’une réputation d’expert des questions financières et avait la réputation d’avoir bien géré les diocèses australiens qu’il avait dirigés.»
Ce choix correspondait aux voeux de François, qui voulait internationaliser la curie romaine, prendre ses distances d’avec les lobbys très actifs en son sein et y réduire l’influence italienne.
«Tolérance zéro»
Quoi qu’il en soit, l’affaire Pell jette un peu plus le trouble sur l’attitude de François par rapport au dossier explosif de la pédophilie dans l’Église. Même s’il prône, dans ses discours, une «tolérance zéro», même s’il a sanctionné lourdement des prélats et prêtres influents, il semble hésitant dans d’autres dossiers, comme le montrent le cas Pell ou les récentes révélations concernant des affaires de pédophilie en Argentine.
« Pour le moment, il n’y a pas de politique claire du Vatican. À partir de quand suspend-on un membre du clergé suspecté d’abus sexuels sur mineurs?» remarque un expert des questions de pédophilie.