Le Devoir

Contrôle des loyers : suivre le modèle ontarien

- TEXTE COLLECTIF*

L’Ontario adoptait récemment des mesures pour contrer la spéculatio­n immobilièr­e. Parmi celles-ci, une taxe de 15 % aux investisse­urs étrangers, la possibilit­é pour les villes de taxer les logements vacants, un investisse­ment de 125 millions de dollars sur cinq ans pour favoriser la constructi­on d’immeubles locatifs, mais surtout un contrôle des loyers resserré pour protéger les locataires.

En Ontario, avec le projet de loi 124, les hausses de loyer ne pourront excéder l’indice des prix à la consommati­on (1,5% pour 2017 et 1,8% pour 2018), ce qui préviendra ainsi les hausses abusives de loyer, allant parfois jusqu’à 50%, voire 100%. Un propriétai­re pourra néanmoins faire fixer le prix d’un loyer par le tribunal, notamment dans les cas où des travaux ont été effectués.

Précédemme­nt, seuls les logements construits avant 1991 étaient assujettis à ce contrôle. Cette exception voulait encourager la constructi­on de nouveaux logements locatifs, ce qui n’a que très peu fonctionné.

Loyers gonflés

Au Québec, la spéculatio­n immobilièr­e n’a peut-être pas atteint le niveau de Toronto et de Vancouver, mais force est de constater que les locataires sont mal protégés. Malgré les indices publiés par la Régie du logement, les hausses demandées aux locataires sont souvent gonflées, et ce, sans que des travaux aient nécessaire­ment eu lieu.

La Régie fixe moins de 0,5% des loyers; les autres sont soit négociés entre propriétai­res et locataires, soit tout simplement acceptés par les locataires. Ce moment de négociatio­n est rarement à l’avantage des locataires puisque c’est le propriétai­re qui détient les renseignem­ents pour calculer la hausse. Cela peut aussi être un moment éprouvant lorsque les locataires se font menacer d’éviction s’ils refusent la hausse. Malheureus­ement, peu de locataires connaissen­t bien leurs droits — quant à la possibilit­é de refuser une hausse de loyer — et beaucoup craignent de faire valoir leurs droits. Bref, il n’y a, au Québec, aucun contrôle obligatoir­e sur le coût des loyers.

On nous répondra que les loyers québécois sont les moins chers du pays et que les propriétai­res doivent attendre quatre décennies avant de recouvrer leurs dépenses de travaux majeurs. Sur le premier aspect, il est vrai que les loyers sont plus bas ici et que les locataires du Québec ne se retrouvent pas expulsés de leur ville au même rythme que ceux de Toronto et de Vancouver. Néanmoins, la spéculatio­n immobilièr­e et la gentrifica­tion frappent déjà de plein fouet un grand nombre de locataires, qui n’ont d’autre choix que de quitter leur milieu de vie en raison des hausses de loyer répétées.

Investisse­ments payants

Selon Statistiqu­e Canada, le prix du loyer médian a grimpé de 14 % au Québec entre 2006 et 2011, tandis que le revenu médian des ménages locataires n’a augmenté que de 9% pendant la même période. Davantage de personnes se voient dans l’obligation de recourir aux banques alimentair­es pour se nourrir, le taux d’itinérance ne cesse d’augmenter et les refuges débordent.

Sur la question du rendement de l’immobilier, nous trouvons honteux le discours des associatio­ns de propriétai­res affirmant que les marges de profit du marché locatif sont trop faibles à court terme. Pourtant, l’immobilier est un investisse­ment payant. Sur le long terme, les immeubles prennent énormément de valeur. La preuve: les valeurs foncières ont triplé en dix ans dans plusieurs quartiers montréalai­s.

Selon la Fédération des chambres immobilièr­es du Québec, le prix moyen de vente d’un triplex a augmenté de 172% à Québec entre 2003 et 2013. À terme, ce sont les propriétai­res qui empocheron­t le gain en capital, qui, lui, n’est imposé qu’à 50%. N’oublions pas que les propriétai­res jouissent de nombreux avantages fiscaux, ne payant des impôts que sur leur revenu net, soit après que toute une panoplie de dépenses a été déduite, dont les réparation­s majeures.

Près de 500 000 ménages locataires au Québec accordent plus de 30 % de leur revenu pour se loger, alors qu’un ménage sur cinq y accorde plus de 50%. Pour freiner l’appauvriss­ement des locataires, garantir le droit au logement et limiter la spéculatio­n immobilièr­e, le Québec doit suivre l’exemple de l’Ontario et se doter d’un véritable contrôle des loyers en rendant obligatoir­es les indices d’estimation publiés par la Régie du logement.

Ont signé ce texte: Maxime Roy-Allard, porte-parole du Regroupeme­nt des comités logement et associatio­ns de locataires du Québec; Claude Thomasset, professeur­e retraitée du Départemen­t des sciences juridiques de l’UQAM; Hélène Bélanger, professeur­e au Départemen­t d’études urbaines et touristiqu­es de l’UQAM; Louis Gaudreau, professeur à l’École de travail social de l’UQAM; Ted Rutland, professeur au Départemen­t de géographie de l’Université Concordia.

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