La vie de Donny McCaslin après David Bowie
Connu des plus férus de jazz notamment pour son rôle au sein de l’ensemble de la pianiste, compositrice et chef d’orchestre Maria Schneider, le saxophoniste Donny McCaslin a vu sa notoriété s’accroître considérablement hors de la jazzosphère après avoir dirigé le groupe qui a enregistré l’ultime album de David Bowie, Blackstar. Le concert que son ensemble livrera ce soir au Gésù rendra en partie hommage à la regrettée icône du rock, soulignant ainsi l’importance de cette collaboration « qui [l]’a transformé, personnellement et artistiquement», révèle le musicien.
«Si ça finit par m’irriter de devoir parler de David Bowie plus que de mon propre travail? Pas le moins du monde, assure le saxophoniste ténor. Parce que c’était une personne remarquable. Avoir la chance d’expliquer qui il était, en tant que personne et comme artiste, ainsi que tout le processus qui a mené à l’enregistrement de Blackstar, ça fait remonter de beaux souvenirs.»
Pour McCaslin, ce moment en fut un d’éveil et d’affirmation musicale. «Bowie n’avait peur de rien lorsque venait le temps de s’exprimer artistiquement, abonde le saxophoniste new-yorkais. Il explorait et n’hésitait pas à prendre contact avec d’autres artistes pour mettre en oeuvre ses projets. C’est un sentiment qui m’anime moimême; or constater qu’un musicien de sa stature, de sa notoriété, arrivé à ce stade de sa carrière, cherchait à aller toujours plus loin, ce fut très inspirant. De plus, David était quelqu’un qui travaillait “dans l’instant présent” [«in the moment »], qui donnait le maximum lorsqu’il enregistrait ses pistes vocales, toujours à l’écoute de ce que faisaient ses collaborateurs en studio, réceptif et communicatif.»
Originaire de Californie, issu d’une famille de musiciens, Donny McCaslin s’est installé à New York au début des années 1990 pour poursuivre son rêve d’accéder à l’élite du jazz américain. Il a brièvement rejoint l’orchestre jazz fusion Steps Ahead, puis les ensembles de Gil Evans, Dave Douglas et Maria Schneider, tout en menant son propre ensemble — un premier album sous son nom, Exile and Discovery, est paru en 1998. C’est beaucoup grâce à sa forte relation musicale avec Schneider qu’il a pu vivre l’enregistrement du dernier album de Bowie.
«Maria et David se rencontraient déjà pour travailler sur une chanson», Sue (Or in a Season of Crime), enregistrée en novembre 2014 et destinée à figurer sur une nouvelle compilation des chansons de Bowie. Schneider partageait avec McCaslin les secrets de cette collaboration, lui faisant également savoir que Bowie avait d’autres chansons de la même saveur à enregistrer. «À un moment, elle m’a dit: “David a ce projet, mais je n’ai pas le temps…” Elle lui a parlé de mon travail, lui a fait entendre un de mes albums, Casting for Gravity [2012], puis un jour ils sont venus tous deux, Maria et David, nous entendre jouer dans un club à New York.» La semaine suivante débutaient les ateliers de répétition pour l’enregistrement de Blackstar.
Cette collaboration a fait sortir de l’obscurité McCaslin et ses collaborateurs, qui se pointent à Montréal pour nous présenter le matériel de leur plus récent album, Beyond Now. Deux chansons de Bowie y figurent, dans cette fusion de jazz et de funk aux sonorités électroniques crues, ainsi que des reprises… des producteurs EDM Deadmau5 et The Chainsmokers ! «Bien sûr, ces compositions sont rudimentaires, sur le plan harmonique et mélodique, tempère le saxophoniste. Pourtant, comme chez Aphex Twin, que j’ai aussi repris, je m’intéresse aux idées rythmiques, aux textures. Et puis, on ne fait jamais des reprises fidèles — on s’approprie certains motifs qui nous plaisent, puis on se sauve avec ça.» De nouvelles compositions seront également présentées au public du Gésù, vendredi soir, dès 22h30.