Le Devoir

Un peu de poésie, bordel !

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Et si la marche ne se résumait pas à se rendre d’un point A à un point B ? Rachel Thomas, sociologue, fine analyste de l’engouement croissant pour la marche urbaine, prône le retour de parcours à échelle humaine qui invitent à la flânerie et à la séduction par les sens. Une dimension oubliée dans bien des places et sur bien des trottoirs «sur-designés» par des urbanistes, aussitôt désertés par les piétons. « Beaucoup de lieux aménagés pour les piétons sont aseptisés et peu intéressan­ts car ils ne mobilisent ni leurs sens ni leurs émotions », dit-elle. Les endroits où l’on ne pose que les yeux, mais jamais les fesses, en disent long sur leur réel intérêt pour le citadin. Lors d’une étude menée sur les habitudes des piétons empruntant le square Victoria, joyau de design moderne du fameux Quartier internatio­nal (QI) de Montréal, elle a constaté que les passants le traversent à la hâte, sans s’arrêter dans cet espace minéral. «Ici, tout est rectiligne. Chemins et sous-espaces sont plus conçus […] pour être vus de haut que comme des lieux de vie», note-t-elle. L’emballemen­t pour une architectu­re «spectacle» accouche de lieux esthétisés à l’excès, au détriment de l’expérience vécue par les marcheurs, croitelle. «Cette standardis­ation se voit dans plusieurs grandes villes d’Europe. Tous les matériaux et le mobilier urbain se ressemblen­t, sans surprise. Ça devient des recettes. Les environnem­ents piétons doivent faire appel aux sens, aux sons, aux couleurs, aux éléments qui font qu’on s’engage vraiment dans une ville.»

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