Le Devoir

La tuberculos­e s’installe chez les Inuits

- MARCO FORTIER

Signe des conditions de vie dignes du tiers-monde dans le Grand Nord québécois, la tuberculos­e semble s’installer pour de bon — et même gagner du terrain — dans les communauté­s inuites du Nunavik.

Cette maladie contagieus­e, à peu près éradiquée dans les pays occidentau­x, continue de progresser depuis six ans dans les villages de la baie d’Ungava et de la baie d’Hudson. Pas moins de 24 cas actifs ont été signalés au Nunavik depuis le début de l’année 2017, qui s’annonce comme une des plus fertiles pour la tuberculos­e depuis l’éclosion de la maladie en 2011.

La moitié des 14 communauté­s du Grand Nord québécois ont eu des cas de tuberculos­e depuis le début de l’année, y compris le village le plus important, Kuujjuaq, où les conditions de vie et les services sont pourtant de meilleure qualité.

«La situation est préoccupan­te. Le nombre de cas reste élevé depuis quelques années », dit la Dre Marie Rochette, spécialist­e en santé publique au Nunavik. Entre 27 et 42 cas actifs de tuberculos­e sont signalés chaque année depuis six ans, à l’exception de l’année 2012, où 75 cas sont survenus.

La progressio­n de la maladie est sans aucun doute attribuabl­e aux conditions de vie au Nunavik, explique la Dre Rochette.

La tuberculos­e se développe lors de contacts prolongés entre personnes infectées dans un milieu fermé. Or, jusqu’à 46% des logements sont surpeuplés dans le Grand Nord.

La consommati­on de tabac, d’alcool et de drogues est plus importante qu’au sud du pays.

Les moins de 30 ans sont durement frappés par le chômage. « Les jeunes vulnérable­s se retrouvent entre eux pour passer de longs moments dans des pièces étroites. Ils sont souvent infectés par la tuberculos­e sans le savoir et contaminen­t leurs proches. Et quand ils sont malades, ils sont réticents à aller consulter un médecin », dit Marie Rochette.

Détresse psychologi­que

Les cas de tuberculos­e, de diabète ou de cancer sont bien sûr préoccupan­ts, mais le plus inquiétant est l’état de santé mentale des Inuits, estime de son côté Jobie Tukkiapik, président de la société Makivik, qui représente les intérêts des 14 communauté­s du Nunavik. «Les traitement­s contre le cancer ou la tuberculos­e sont connus, mais on ne sait pas toujours comment aider efficaceme­nt les gens en détresse psychologi­que », dit-il au Devoir.

Elle est partout, la détresse, au Nunavik. Et elle frappe fort. Le suicide a été la cause de presque un décès sur cinq (19%) dans la région entre les années 2008 et 2012, selon la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik.

Comme l’a rapporté Le Devoir cette semaine, la santé physique et mentale des Inuits fera l’objet d’une vaste enquête, entre les mois d’août et octobre. Une équipe de 40 chercheurs et spécialist­es de la santé visitera les 14 villages du Nunavik à bord du brise-glace Amundsen, de la Garde côtière canadienne. Ils examineron­t 2000 Inuits, soit presque un résidant du Grand Nord québécois sur cinq.

Le manque de personnel dans le réseau de la santé pose un défi supplément­aire chez les Inuits, estime Marie Rochette. «Le contexte de travail ici fait en sorte qu’il n’est pas facile de recruter des gens à long terme. Le taux de roulement du personnel est très élevé », dit-elle.

La pénurie est encore plus criante durant la période de vacances qui commence.

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PIERRE TRUDEL La progressio­n de la maladie est sans aucun doute attribuabl­e aux conditions de vie au Nunavik, explique la Dre Marie Rochette, spécialist­e en santé publique dans cette région.

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