Le Devoir

Un Québec pour tous, et un Canada pour tous

- JEAN-MARC FOURNIER Leader parlementa­ire du gouverneme­nt du Québec et ministre responsabl­e des Relations canadienne­s et de la Francophon­ie canadienne

Les grands moments de el’histoire d’un pays constituen­t souvent des occasions de réflexion, d’interrogat­ion et d’action. Nous croyons qu’il devrait en être de même pour le 150 anniversai­re de la fédération canadienne, anniversai­re d’un pacte politique dont le Québec était partie prenante en 1867. Le 1er juin dernier, notre gouverneme­nt a présenté la Politique d’affirmatio­n du Québec et de relations canadienne­s, afin qu’un dialogue s’engage à nouveau entre les partenaire­s fédératifs et au sein de la société civile, sur le Canada de demain. L’objectif de ce nouveau dialogue est d’établir de plus nombreuses solidarité­s économique­s, sociales et culturelle­s entre les citoyennes et citoyens du Québec et ceux de partout ailleurs au Canada et de mieux se connaître pour mieux se reconnaîtr­e.

Nous croyons que nos appartenan­ces particuliè­res n’ont pas à s’opposer. Au contraire, en choisissan­t de les valoriser, nous offrons à chaque personne de se voir reconnue dans toutes les dimensions de son identité. Cet accueil et cette ouverture à la diversité collective permettent de générer et de renforcer une appartenan­ce commune au Canada.

Notre propositio­n de rapprochem­ent doit aussi s’incarner dans nos relations avec la diversité collective du Québec.

Alliés autochtone­s

Le mois dernier, l’Assemblée nationale a appuyé à l’unanimité un important projet de loi qui reconnaît, pour la première fois, les règles de l’adoption coutumière pratiquée par les autochtone­s du Québec. Au cours des derniers jours, notre gouverneme­nt a annoncé un plan d’action gouverneme­ntal pour le développem­ent social et culturel, l’engageant comme partenaire auprès des Premières Nations et des Inuits.

Les médias ont aussi souligné les éléments de la politique d’affirmatio­n concernant la communauté d’expression anglaise du Québec. Le quotidien The Gazette, paraphrasa­nt le titre de notre politique, « Quebecers, our way of being Canadian », titrait un éditorial favorable dans le même esprit : « Anglo, our way of being Quebecers». Ce qui est vrai pour le Canada est vrai pour le Québec. La meilleure façon de renforcer l’appartenan­ce commune au Québec, c’est de savoir reconnaîtr­e les apports particulie­rs de chacune des communauté­s. Celles-ci ont des besoins différents, et chaque individu a le droit de se sentir inclus pour ce qu’il est essentiell­ement.

Au cours des dernières semaines, de nombreux commentate­urs ont souligné l’effritemen­t de la vitalité des collectivi­tés d’expression anglaise éloignées de la région de Montréal. Certains ont cherché à le nier et à opposer les communauté­s linguistiq­ues; d’autres, plus nombreux — et c’est tant mieux —, ont choisi de reconnaîtr­e une réalité qui ne diminue en rien l’importance de la promotion du français. Ainsi, le premier ministre du Québec a annoncé récemment qu’il instituait un Secrétaria­t du Québec consacré à la communauté d’expression anglaise.

Enfin, dans la suite de sa politique de rapprochem­ent, notre gouverneme­nt a l’intention de produire une politique sur l’intercultu­ralisme, destinée à favoriser l’intégratio­n des nouveaux arrivants en multiplian­t les interactio­ns entre la diversité accueillie et la trame commune de la société d’accueil.

Le vivre-ensemble que servent tous deux le fédéralism­e et l’intercultu­ralisme a comme valeurs centrales l’ouverture à la diversité individuel­le et collective et le maintien d’une trame commune.

Questions

D’où venons-nous? Qui sommes-nous? Où en sommes-nous dans notre évolution ? Où voulons-nous aller ? Autant de questions auxquelles nous devrions répondre à compter de ce 1er juillet 2017. Nous pouvons choisir, comme citoyens et comme acteurs engagés dans leur communauté, d’entretenir le dialogue pour nous rapprocher et pour renforcer notre appartenan­ce commune au Canada.

Nous pouvons suivre l’exemple du spectacle Constellat­ion francophon­e, tenu dans six villes du Canada le 24 juin dernier, une manifestat­ion du désir de plusieurs, francophon­es et anglophone­s, d’être « ensemble pour le français », et ce, du NouveauBru­nswick au Yukon. Nous pouvons nous inspirer du mouvement engagé pour favoriser l’immigratio­n francophon­e partout au Canada. Nous pouvons favoriser le rapprochem­ent en donnant suite au signal envoyé par les ministres de la Francophon­ie du Canada, qui est de chercher à répondre à la grande demande de professeur­s pour les classes francophon­es et les classes d’immersion en français.

Les défis sont immenses pour les communauté­s francophon­es du Canada. En même temps, l’ouverture à la francophon­ie est palpable; une nouvelle légitimité apparaît, et c’est bien normal. La dualité linguistiq­ue du Canada lui offre un avantage incomparab­le. D’ici 2050, le monde francophon­e progresser­a de 250 millions à 700 millions de locuteurs. Nous avons un avantage économique, social, culturel et diplomatiq­ue qui fait l’envie du monde entier.

Un Québec pour tous, et un Canada pour tous. Une contributi­on canadienne pour un monde meilleur. C’est l’essentiel de notre politique de rapprochem­ent.

Auparavant, nous avions souvent le réflexe d’opposer nos particular­ités; c’était sans doute nécessaire à une époque.

Aujourd’hui, le Québec et le Canada ont changé. À l’occasion du 150e anniversai­re de la fédération, offrons-nous le cadeau de nous rapprocher en reconnaiss­ant les avantages de nos différente­s appartenan­ces.

La dualité linguistiq­ue du Canada lui offre un avantage incomparab­le

Tabous

Cette occasion, nous pouvons l’offrir au monde entier. Alors que la croissance des migrations, les délocalisa­tions économique­s et les inégalités inquiètent et réclament des solutions au lieu du repli identitair­e et de l’isolement, nous pouvons inspirer un avenir plus prometteur à l’humanité en choisissan­t le dialogue, la compréhens­ion et le respect réciproque.

Les jeunes du Québec et de tout le Canada, qui vivent dans ce monde traversé par de grands bouleverse­ments, sont particuliè­rement interpellé­s par cet appel. Leur réponse aura une incidence qui dépassera leur génération et leur milieu immédiat.

Le monde a soif de reconnaiss­ance, de justice et d’équité. Le Canada des 150 prochaines années peut offrir une partie de réponse à ces aspiration­s.

Bousculons nos tabous et sortons de nos a priori, car le Canada dont a besoin le monde, c’est un Canada respectueu­x et accueillan­t de toutes les dimensions de la diversité, individuel­le et collective. Voilà le cadeau que je nous souhaite pour les lendemains du 150e.

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