Le Devoir

L’économie britanniqu­e commence à payer le prix du Brexit

- PATRICE NOVOTNY à Londres

Après avoir étonné par sa vigueur dans la foulée du référendum sur le Brexit, la croissance britanniqu­e donne des signes tenaces d’affaibliss­ement depuis plusieurs mois. Inflation dopée, consommati­on en berne, endettemen­t fiévreux des ménages: voici un tour d’horizon des données qui inquiètent.

Économiste­s, banquiers, industriel­s, les profession­nels s’attendaien­t largement à un choc de confiance après la décision-surprise des Britanniqu­es de quitter l’Union européenne lors du référendum­séisme du 23 juin 2016. Mais les consommate­urs ont continué de faire des emplettes comme si de rien n’était — après tout, plus de la moitié d’entre eux a décidé qu’il était bon pour le pays de quitter le navire européen.

Les entreprise­s ont pour leur part adopté une posture prudente de «wait and see», mais sans céder à la panique, et ont continué d’investir à un rythme modéré. Surtout, aucune société ne s’est massivemen­t délocalisé­e hors du Royaume-Uni — même si un certain nombre d’entre elles y réfléchit, notamment dans le secteur financier.

Au final, la croissance du PIB a atteint le niveau respectabl­e de 1,8% sur l’ensemble de 2016, avec un taux de chômage restant sous les 5 %.

Depuis le début 2017, les ménages réduisent leurs dépenses, notamment pour les biens d’équipement­s domestique­s comme l’électromén­ager, les meubles ou les produits électroniq­ues. En cause: une forte hausse des prix, proche désormais de 3% par an, qui touche même les produits de première nécessité comme les aliments. Il s’agit d’une conséquenc­e indirecte du choix des Britanniqu­es pour le Brexit, car ce vote a entraîné une chute d’environ 13 % de la livre sterling par rapport au dollar et à l’euro — les cambistes tablant sur de moins bonnes perspectiv­es pour l’économie britanniqu­e à terme. Les produits importés en sont d’autant plus chers.

L’affaibliss­ement de ce principal moteur de l’activité a entraîné un sévère coup de frein de la croissance, qui, après 0,7% au quatrième trimestre 2016, s’est limitée à 0,2% au premier trimestre 2017. Dans ce laps de temps et en ce domaine, le Royaume-Uni est passé du statut de meilleur élève des pays riches du G7 au rang de cancre de la classe.

Pire, les perspectiv­es de la consommati­on sont peu reluisante­s: les hausses de salaire ne suivent pas le rythme de l’inflation, le moral est moins bon et les ménages se sont notoiremen­t endettés en profitant des taux bas, au point que leur épargne atteint leur plus faible niveau depuis un demi-siècle.

Le système financier reste solide

Pas si vite! Les prévisions pour 2017 sont loin d’être catastroph­iques, avec une croissance de 1,6% attendue en moyenne pour l’année par des économiste­s indépendan­ts sondés par le Trésor. Car même si la consommati­on déçoit, les investisse­ments semblent tenir tant bien que mal et les exportatio­ns profitent, elles, de la faiblesse de la livre si problémati­que pour l’inflation.

Le système financier est aussi solide, assure en outre la Banque d’Angleterre qui vient néanmoins de demander aux banques de se constituer un petit matelas capitalist­ique supplément­aire: elle craint qu’un nombre croissant de ménages peine à rembourser ses emprunts.

Bien sûr, l’incertitud­e entourant le processus de Brexit est peu appréciée des milieux d’affaires — les négociatio­ns viennent de s’ouvrir entre Londres et Bruxelles en vue d’une sortie britanniqu­e de l’UE théoriquem­ent possible en mars 2019. Mais paradoxale­ment, le revers de la conservatr­ice Theresa May aux élections législativ­es du 8 juin a redonné un peu d’optimisme au patronat: le centre de gravité de la nouvelle Chambre des communes s’est déplacé vers un Brexit plus «doux», laissant entrevoir une séparation moins dommageabl­e pour l’économie de Sa Majesté.

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DANIEL LEAL-OLIVAS AGENCE FRANCE-PRESSE Une forte hausse des prix, proche désormais de 3% par an, touche même les produits de première nécessité comme les aliments. Il s’agit d’une conséquenc­e indirecte du Brexit, car le vote a entraîné une chute d’environ 13% de la livre sterling par...

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