Éloge de la biodiversité
Deux albums documentaires rapprochent les enjeux écologiques des enfants
Faisant fi de la taxonomie qu’il connaît pourtant sur le bout des doigts, François Lasserre, entomologiste, expert en biodiversité, déjoue les conventions, règles ou autres postulats et fout le bordel dans le monde des bibittes avec Le Musée vivant des insectes. Un peu à la manière des petits, il classe ses bestioles préférées selon leur apparence, leurs comportements ou autres clichés qui tendent à les définir au premier coup d’oeil.
Maîtres chanteurs, voyageurs, copieurs, squatteurs, armés ou encore mal-aimés c’est au total dixsept groupes et soixante insectes pour certains rares et inconnus, qu’il explore, décortique, présente avec naturel, simplicité et humour. En s’adressant directement au lecteur, François Lasserre décrit chacune des bêtes choisies en relatant un fait vécu ou sa relation privilégiée avec elle. Dans la catégorie des «armés», il place le coléoptère bombardier avec sa «défense chimique sophistiquée : abdomen pointé vers l’adversaire, détonation, expulsion d’un liquide chaud et toxique, qui devient un petit nuage» lancé en pleine figure de ses ennemis.
Le spécialiste livre des informations rigoureuses, dans une perspective toute dilettante, décoinçant l’aspect parfois rigide des documentaires. Porté par une envie de faire voyager le lecteur au coeur de ce microcosme étonnant sans le perdre dans quelques détails superflus, il offre l’info sous forme de textes brefs laissant une large place aux illustrations réalistes d’Anne de Angelis. Les insectes occupent l’espace, se présentent sous différents angles, différentes grosseurs, sous forme d’esquisses ou de dessins plus étoffés laissant l’oeil du lecteur papillonner en toute liberté d’un spécimen à l’autre.
L’humain, ce maître absolu
D’ailleurs, «où que ton oeil se pose, il y a de la vie. Dans les déserts… les îles lointaines… sous les plumes des oiseaux et sur le dos des scarabées… même là où tu penses que rien ne peut vivre comme dans la lave bouillonnante des volcans », nous raconte Nicola Davies dans Tous. La biodiversité sur Terre. Zoologiste et auteure, elle met en lumière avec simplicité les richesses de la planète, tout en témoignant de la fragilité de son équilibre. Foisonnante comme une vraie fourmilière, la planète grouille et grenouille dans une ronde des plus organisée.
Sur un ton exempt de jugement, un phrasé fluide et direct, l’auteure explore la luxuriance de différents milieux, la quantité phénoménale d’espèces recensées — près de deux millions différentes — notamment le paedocypris, le conus andremenezi, petites créatures découvertes il y a moins de 50 ans. Il pourrait d’ailleurs y en avoir encore plusieurs millions à découvrir. Une perspective encourageante qui ne ramène toutefois pas les dodos, tigres de Tasmanie, tourtes voyageuses et autres bêtes disparues.
Sans être alarmiste, Davies expose en quelques lignes les raisons majeures de ces extinctions menées par une espèce qui participe pourtant aussi de cette biodiversité. L’homme dans toute sa complexité — et ses complexes — a intérêt à préserver l’équilibre pour que ce monde reste «riche d’une multitude d’espèces… et non d’une seule». Cet explicit est accompagné d’une illustration épurée mettant en vedette une fillette seule, au milieu du néant. Tableau qui tranche avec l’abondance de vie perceptible dans l’ensemble des scènes illustrées par Emily Sutton. Son trait vivant, jouant de détails, de couleurs et de verdures, appuie le récit de Davies et permet de saisir la richesse de cet écosystème qui mérite d’être préservé. MUSÉE VIVANT DES INSECTES
★★★★ François Lasserre et Anne De Angelis De La Martinière Paris, 2017, 60 pages
TOUS LA TERRE BIODIVERSITÉ SUR ★★★1/2 Nicola Davies et Emily Sutton Éditions des éléphants, Paris, 2017, 36 pages