Le Devoir

« Right fiers »

À l’occasion du 150e anniversai­re du Canada, la jeunesse franco-canadienne s’expose

- JEAN-PHILIPPE PROULX

Alors que Montréal délaisse doucement ses habits de fête, c’est au tour d’Ottawa d’enfiler les siens pour célébrer le 150e anniversai­re de la Confédérat­ion. Une page se prépare à se tourner au moment où on donne le coup d’envoi aux festivités canadienne­s sur les ondes télévisuel­les. Un prétexte qu’utilise Radio-Canada pour (finalement) remplir son mandat de représente­r la diversité canadienne d’un océan à l’autre, alors que la chaîne télé des francophon­es du Canada, UNIS, poursuit sa vocation. Malgré un recul constant de l’usage de la langue française au Canada, c’est une jeunesse francophon­e dynamique et positive que les deux chaînes publiques nous présentent. Voyage au travers de la diversité francophon­e canadienne, riche de 1 007 815 âmes vivant à l’extérieur des frontières du Québec.

Première escale, Nouvelle-Écosse. Alors que Moncton est sur le point d’accueillir les Jeux de la francophon­ie canadienne, Jeune et franco (UNIS) pose un regard sur ces jeunes participan­ts au «plus grand rassemblem­ent de la jeunesse canadienne d’expression française». Organisés tous les trois ans, les jeux sont divisés en trois volets bien distincts: art, leadership et sports. Ces jeunes du secondaire pratiquent les arts et rêvent de réinventer le monde. Par-dessus tout, ils partagent une fierté commune, qui est aussi un combat quotidien, soit de parler français dans un environnem­ent anglophone. «La francophon­ie, c’est mon pays», souligne Adrien Comeau, un étudiant de 16 ans originaire de Saulniervi­lle, village de la NouvelleÉc­osse. «C’est un choix que tu fais de dire “merci” au lieu de “thank you”», raconte Sue Duguay, 17 ans. Ce choix, ce n’est pas un acte de provocatio­n contre la société dans laquelle elle vit ou contre les anglophone­s. «C’est un défi personnel», raconte celle qui rêve de voir naître une génération de leaders.

Attachés à leurs communauté­s, à leurs traditions, ils rêvent de laisser une marque. Sur les images de danse à claquette ou au son de La destinée, la rose aux bois, la série à la réalisatio­n soignée — qui comporte autant d’épisodes que le Canada contient de provinces — dresse un portrait atypique de jeunes milléniaux, sans préjugés et sans clichés. En plus de découvrir la jeunesse francophon­e à travers le Canada, la série a le mérite de sortir des grands centres urbains et nous amène du Cap-Breton jusqu’à Comox en Colombie-Britanniqu­e.

Camp de leadership

Deuxième escale, Ottawa. La série À nous le monde (Radio-Canada) réunit de son côté 10 jeunes (dont la moitié sont originaire­s de la capitale nationale) de 16 à 24 ans de divers horizons et origines et les transporte dans un camp de développem­ent personnel. Pendant près de deux ans — 615 jours bien exactement —, on a suivi le cheminemen­t de ces participan­ts, tous choisis pour leurs qualités en matière de leadership. Animée par Patrick Masbourian, la série offre une idée de départ peutêtre trop ambitieuse pour des portraits de 10 minutes par participan­t.

Face aux experts sélectionn­és par la série, les jeunes subissent une évaluation, présentée comme le point central de l’émission. Pendant qu’ils pratiquent des activités d’équipe au camp de formation, des experts les observent. Ils ont ensuite droit à une rencontre individuel­le où on leur présente un plan de développem­ent afin de pallier certaines faiblesses. Une évaluation qui semble sortie de nulle part, tout comme les experts chargés d’évaluer les participan­ts, dont on comprend bien mal qui ils sont. S’en suit une mise en scène présentant la vie quotidienn­e des jeunes, une centaine de jours plus tard, où ils tentent de relever le défi que leur ont présenté ces experts: nourrir des personnes itinérante­s dans des soupes populaires ou dans la rue pour deux de ces jeunes. Les étapes du cheminemen­t en question s’enchaînent si rapidement qu’il est difficile de voir si nous sommes face à une mise en scène ou à une réelle épiphanie. «Ils ont tout donné pour apprendre à mieux se connaître et pour aller plus loin, plus vite», annonce Patrick Masbourian. On aurait pourtant souhaité l’inverse quant au contenu de l’émission. Moins vite, plus loin. À nous le monde échoue là où Jeune et franco réussit. On aurait aimé plus de temps pour connaître les participan­ts. Mieux comprendre leurs angoisses, leurs rêves, leurs motivation­s. Difficile de voir où la série s’en va. Si nous n’avons eu accès qu’aux deux premiers épisodes, souhaitons tout de même que le reste de la saison s’améliore alors que le dernier épisode d’une série de huit fera le bilan de ces 615 jours d’aventure.

Fierté

Les deux séries ont le mérite de remettre les pendules à l’heure quant à cette génération d’aujourd’hui et de demain qui obsède tant. Peu importe la façon dont ces jeunes parlent le français, les mots qu’ils emploient, les expression­s empruntées à l’anglais, une chose les unit: l’amour d’une langue. Slogan controvers­é des Jeux, «Right fiers» est une expression chiac bien connue dans la région de Moncton, ville de la seule province officielle­ment bilingue au Canada, qu’utilise entre autres Sue Duguay. «Je suis tellement fière de ma langue et de dire que j’ai pu venir d’une ville anglophone et que j’ai encore la capacité de m’exprimer en français. Il n’y a rien d’autre qui aurait pu garder ça sauf la fierté.»

Jeune et franco

UNIS, du lundi au vendredi, 12 h et 19 h

À nous le monde

ICI Radio-Canada, dimanche, 14h30

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ICI RADIO-CANADA Ils sont jeunes, éveillés et rêvent dans une seule et même langue, le français.
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UNIS Pour Sue Duguay, le fait de s’exprimer en français relève plus du «défi personnel» que d’un acte de provocatio­n contre les anglophone­s.

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