Le Devoir

Macron promet un « projet ambitieux de transforma­tion »

- CHRISTIAN RIOUX Correspond­ant à Paris

Dans un discours-fleuve prononcé sous les ors du château de Versailles, le président français, Emmanuel Macron, a présenté lundi sa vision de la France et formulé ce qu’il définit comme un «projet ambitieux de transforma­tion» aussi bien de l’économie et de la Constituti­on que de l’Europe. Parmi les quelques mesures concrètes qui ont émaillé ce discours plus philosophi­que que programmat­ique, le président a notamment annoncé la fin de l’état d’urgence

dès l’automne prochain, une fois certaines mesures d’urgence intégrées dans la loi.

Pendant plus d’une heure et demie, le nouveau président s’est donc adressé aux élus du Sénat et de l’Assemblée nationale. L’exercice qualifié par plusieurs de monarchiqu­e était en réalité copié sur le discours sur l’État de l’Union que prononce chaque année le président américain. L’allocution aura surtout permis au nouveau président de définir la philosophi­e qui inspire les changement­s qu’il compte proposer dans les mois et les années qui viennent. Sur un ton souvent lyrique, Emmanuel Macron a souhaité se démarquer de ses prédécesse­urs en évoquant à la fois «les années immobiles », associées à François Hollande, et «les années agitées», associées à Nicolas Sarkozy. «Le vice qui empoisonne depuis trop longtemps notre débat public» est, dit-il, « le déni de réalité, le refus de voir le réel en face. L’aveuglemen­t face à un état d’urgence qui est autant économique et social que sécuritair­e». Pour le président, les réformes qu’il propose

visent d’abord à restaurer «la souveraine­té de la nation» et à lui permettre de disposer d’elle-même « malgré les contrainte­s et les dérèglemen­ts du monde ».

Une réforme constituti­onnelle

Il revient aujourd’hui à une génération nouvelle de dirigeants de reprendre l’idée européenne à son origine Emmanuel Macron

Alors qu’il demeure vague sur les réformes économique­s et la « refondatio­n » de l’Europe qu’il appelle de ses voeux, Emmanuel Macron entend proposer d’ici un an une réduction d’un tiers du nombre des élus au Sénat et à l’Assemblée nationale. Il introduira une dose de proportion­nelle dans l’élection législativ­e et limitera la durée des mandats des élus. Le président veut aussi supprimer la Cour de justice de la République chargée de juger les actes des ministres commis dans leurs fonctions et faire plus de place au droit de pétition. Si nécessaire, il pourrait faire entériner cette réforme par référendum, dit-il.

En matière économique, le président s’est contenté de rappeler l’« aliénation » qui s’ensuivrait «si nous ne réduisons pas notre dette publique ». Rappelons que le nouveau gouverneme­nt devra trouver d’urgence huit milliards d’euros s’il souhaite équilibrer le budget de 2017 et respecter la règle européenne du 3% de déficit.

Sur l’Europe, Emmanuel Macron appelle à «une action efficace et humaine qui nous permette d’accueillir les réfugiés politiques courant un risque réel, car ce sont là nos valeurs, sans les confondre avec des migrants économique­s ». Dans la salle exiguë et surchauffé­e du palais, l’exercice s’est terminé par un plaidoyer en faveur de l’Union européenne qui sort, dit le président, d’une décennie cruelle. «Il revient aujourd’hui à une génération nouvelle de dirigeants de reprendre l’idée européenne à son origine. »

Un «flou lyrique»

Les réactions n’ont pas tardé. À l’extrême gauche et à l’extrême droite, on a jugé l’exercice futile. Quelques dizaines de députés de La France insoumise et de l’UDI avaient d’ailleurs boycotté le château de Versailles. Dans son style habituel, Jean-Luc Mélenchon a déploré une « interminab­le pluie de truismes », un « bonapartis­me surjoué» et un « européisme bêlant ».

Nettement plus sobre, Marine Le Pen a évoqué un « flou lyrique ». « Nous ne sommes plus au

temps des promesses, dit-elle. Nous sommes au temps des réalisatio­ns. » Le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a aussi regretté «une succession de grands principes» qui ressemblai­t à «une mauvaise copie de dissertati­on d’élève de prépa littéraire ».

Pour le président du groupe Les Républicai­ns au Sénat, Bruno Retailleau, qui s’est exprimé à la tribune après Emmanuel Macron, «l’espérance qu’a fait naître cette élection […] contraste avec le silence de celles et de ceux qui n’ont pas voté et ne veulent plus participer». Selon lui, pour reconstrui­re « un entre-nous […], il faudra d’abord le courage, et le courage ne réside dans aucune institutio­n». Dans le quotidien de droite Le Figaro, on estimait que, dans ce discours, le président avait évité «les sujets qui fâchent ».

Certains médias ont d’ailleurs soupçonné Emmanuel Macron de profiter de ce discours, qui devrait dorénavant se répéter chaque année, afin d’éviter la traditionn­elle entrevue du 14 juillet. Celle-ci n’aura pas lieu cette année alors que l’invité d’honneur du défilé militaire sera nul autre que le président américain, Donald Trump. Cette invitation est considérée par plusieurs comme un coup de maître alors que les présidents américains ont l’habitude de se rendre d’abord en Grande-Bretagne et en Allemagne avant de visiter la France.

Tout au long de cette heure et demie, Emmanuel Macron n’a pas mentionné une seule fois la Francophon­ie. Tout au plus a-t-il indiqué qu’«au sein de la culture mondialisé­e, dont on observe la proliférat­ion parfois inquiétant­e, la voix de la France et de la culture française doit occuper une place éminente ». Ce mardi, le premier ministre Édouard Philippe doit aussi prononcer un discours inaugural. On s’attend à ce qu’il mette un peu de chair autour des énoncés de principe du président.

 ?? ÉTIENNE LAURENT AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le président français, Emmanuel Macron, a livré lundi un discours-fleuve sous les ors du château de Versailles, dans lequel il a affirmé vouloir réformer l’économie et la Constituti­on de la République, de même que l’Europe.
ÉTIENNE LAURENT AGENCE FRANCE-PRESSE Le président français, Emmanuel Macron, a livré lundi un discours-fleuve sous les ors du château de Versailles, dans lequel il a affirmé vouloir réformer l’économie et la Constituti­on de la République, de même que l’Europe.
 ?? THOMAS SAMSON AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Les députés de La France insoumise ont boycotté le discours de Macron à Versailles. Jean-Luc Mélenchon a pris la parole devant des centaines de partisans, place de la République à Paris.
THOMAS SAMSON AGENCE FRANCE-PRESSE Les députés de La France insoumise ont boycotté le discours de Macron à Versailles. Jean-Luc Mélenchon a pris la parole devant des centaines de partisans, place de la République à Paris.

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