Le Devoir

Les Kurdes d’Irak veulent le même droit à l’autodéterm­ination que les Québécois

- LEE BERTHIAUME à Ottawa

Une représenta­nte de la région kurde de l’Irak défend le projet de son peuple de tenir un référendum sur l’indépendan­ce, affirmant qu’il ne souhaite qu’exercer le même droit à l’autodéterm­ination que les Québécois.

Les tensions grimpent en Irak depuis que le gouverneme­nt régional du Kurdistan, à Erbil, a annoncé plus tôt ce mois-ci qu’il prévoyait de tenir ce référendum très attendu le 25 septembre.

La planificat­ion est en cours, malgré l’objection du gouverneme­nt central irakien à Bagdad et l’opposition manifestée, à divers degrés, par les États-Unis, l’Union européenne et la majorité des pays voisins de l’Irak.

Bayan Sami Abdul Rahman, représenta­nte du gouverneme­nt kurde à Washington, affirme que son peuple a tenté de vivre et de collaborer avec le reste de l’Irak, mais que Bagdad a choisi de ne pas coopérer.

Elle a cité de nombreux exemples pour illustrer son point: les informatio­ns récentes voulant que le gouverneme­nt central ait cessé de fournir des médicament­s aux Kurdes, les restrictio­ns imposées aux exportatio­ns de pétrole kurdes et l’échec dans les négociatio­ns visant à résoudre les conflits territoria­ux avec Erbil.

Selon Mme Rahman, les Kurdes ont « fait de [leur] mieux pour être partenaire­s avec l’Irak, mais cela n’a pas fonctionné ».

«Nous croyons que c’est le bon moment pour permettre au peuple du Kurdistan d’exercer son droit démocratiq­ue, un droit que les peuples à travers le monde possèdent, celui d’exprimer leur autodéterm­ination.»

Elle mentionne également ce qu’elle qualifie d’injustices historique­s perpétrées à l’endroit des Kurdes irakiens, incluant l’assassinat de milliers de Kurdes par l’ex-dictateur Saddam Hussein, de même que des déplacemen­ts forcés et des disparitio­ns.

Le Canada a dit peu de choses au sujet du référendum prévu, malgré le fait que les soldats canadiens ont travaillé presque exclusivem­ent avec les combattant­s kurdes dans la

«Nous

tentons de divorcer à l’amiable avec l’Irak Bayan Sami Abdul Rahman, représenta­nte du gouverneme­nt kurde à Washington

lutte contre Daech (le groupe armé État islamique).

Un lien avec le Québec?

Mme Rahman a lié les réticences du Canada à prendre position sur cet enjeu au fait qu’il rappelle le débat sur la souveraine­té du Québec. «En tant qu’État ayant sa propre province, le Québec, qui a exercé son droit de tenir un référendum, je crois qu’il serait difficile pour le Canada de nier ce droit pour la population du Kurdistan», souligne-t-elle.

Elle hésite toutefois à comparer davantage les deux situations, indiquant que ce serait comme comparer des pommes et des oranges, en raison des relations tendues entre Erbil et Bagdad. « Ottawa ne couperait jamais la réserve de médicament­s de l’une de ses provinces, même si cette province était une épine dans son pied, estime-t-elle. Nous tentons de divorcer à l’amiable avec l’Irak. Mais ce n’est pas la même chose que si le Québec divorçait à l’amiable avec le Canada. »

Plusieurs observateu­rs jugent qu’il est temps que les 30 millions de Kurdes dans le monde aient leur propre pays, d’autres disent même qu’ils le méritent en raison de leurs efforts dans la lutte contre Daech.

Mais bien que les États-Unis et l’Union européenne fassent partie de ceux qui ont reconnu le droit à l’autodéterm­ination des Kurdes, on craint qu’un vote soit une source de distractio­n dans la lutte contre le groupe extrémiste.

Les voisins de l’Irak craignent qu’un pas vers l’indépendan­ce des Kurdes irakiens ne mène vers des demandes semblables de la part des population­s kurdes à l’intérieur de leurs propres frontières.

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