Le Devoir

Les flux financiers illégaux au menu du G20

- ANTONIO RODRIGUEZ à Paris

Une des attributio­ns du G20, qui tiendra sommet vendredi et samedi à Hambourg, est de lutter contre les flux financiers illégaux ou douteux. Liste noire des paradis fiscaux, obstacles à l’optimisati­on fiscale des multinatio­nales, transparen­ce des trusts, combat contre le financemen­t du terrorisme… Voici un point sur les chantiers en cours du G20 sur ce dossier.

À Hambourg, l’OCDE remet sa copie au G20 qui lui avait demandé une liste noire des pays non coopératif­s dans la lutte contre l’évasion fiscale lors de son précédent sommet en Chine. Les dirigeants des principale­s économies mondiales n’y découvriro­nt qu’un seul nom, celui de Trinité-et-Tobago, un petit pays caribéen.

Plusieurs ONG crient déjà au scandale. «Cette liste vide est ridicule», a affirmé à l’AFP Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam en France. «Qui peut croire qu’il n’y a pas de paradis fiscaux dans le monde quand un scandale éclate presque toutes les semaines », s’est-elle indignée.

Pour le directeur du Centre de politique et d’administra­tion fiscale de l’OCDE, Pascal Saint Amans, il ne s’agit que d’un premier pas. «C’est le problème des listes qui fonctionne­nt», a-t-il expliqué à l’AFP. Menacés d’être mis à l’index par la communauté internatio­nale, les pays concernés ont tout fait pour éviter de se retrouver sur la liste. «Ça confirme que la méthode de la pression était la bonne, l’objectif était d’agiter la menace», a abondé une autre source proche des négociatio­ns en cours au G20, sous couvert d’anonymat.

À Bruxelles, le travail de l’OCDE est certes jugé utile, mais la Commission européenne souhaite aller plus loin en élaborant elle-même sa propre liste des paradis fiscaux. «Elle sera prête cet automne et elle sera, je l’espère, assortie de sanctions», a assuré le commissair­e Pierre Moscovici à l’AFP. «La vraie prochaine étape c’est l’échange automatiqu­e de renseignem­ents qui s’appliquera dès 2018», affirme M. Saint-Amans. «Nous saurons dès la fin de cette année si les États sont en mesure appliquer leurs engagement­s», a-t-il ajouté, en réponse aux ONG qui dénoncent les critères insuffisan­ts pour l’établissem­ent de la liste.

Concrèteme­nt, l’objectif est que les pays échangent de manière automatiqu­e les données fiscales de leurs contribuab­les, et non plus à la demande expresse d’un autre pays. Menacés de nouveau d’apparaître sur la liste noire, les États devront s’y plier pour éviter de figurer aux côtés de Trinité-et-Tobago l’année prochaine. Les membres du G20 ont signé fin 2015 un accord contre l’érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices (BEPS en anglais). En d’autres termes, d’empêcher les multinatio­nales de transférer leurs bénéfices d’un pays à un autre pour contourner l’impôt grâce à des stratégies comptables sophistiqu­ées. L’OCDE va vérifier que les pays appliquent bien quatre standards inclus dans le BEPS: la fin des pratiques fiscales dommageabl­es, l’obligation de déclaratio­n (reporting) pays par pays, l’améliorati­on des procédures amiables et le chalandage fiscal (treaty shopping). «Nous pourrons informer le G20 pour éventuelle­ment dénoncer ceux qui ne l’appliquent pas», assure M. Saint-Amans.

Le G20 a pris ce dossier en main après le scandale «LuxLeaks», qui a éclaté fin 2014 et qui avait mis en lumière un système d’évasion fiscale à grande échelle et particuliè­rement le rôle joué par le Luxembourg.

Pour l’élaboratio­n de ses prochaines listes, l’OCDE va également se pencher sur les trusts qui permettent de dissimuler les noms de leurs propriétai­res. Le scandale des «Panama Papers» avait révélé l’an dernier que ces structures financière­s anonymes permettaie­nt à des individus ou des sociétés de passer entre les mailles des filets. «Le standard s’est un peu durci sur les bénéficiai­res effectifs. Pour que les pays restent au niveau, il va falloir qu’ils progressen­t», a indiqué M. Saint-Amans. L’OCDE présentera un rapport sur ce sujet lors du sommet du G20 de 2018.

Le G20 s’est également fixé l’objectif de lutter contre le financemen­t du terrorisme. «Ce sera un des sujets importants», a indiqué une source proche du dossier. À l’automne, la France avait appelé la communauté internatio­nale à s’attaquer au trafic d’oeuvres d’art stockées en toute opacité dans des zones spéciales baptisées «ports francs».

Le G20 s’est également fixé l’objectif de lutter contre le financemen­t du terrorisme

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