Culture › Kendrick Lamar au sommet du rap.
Le chanteur sera au Festival d’été de Québec vendredi soir.
Le rappeur Kendrick Lamar aurait pu être un feu de paille, brûlant vivement le temps de quelques hits pour ensuite s’éteindre. Mais les années et les albums défilent, et le talentueux rejeton de Compton, en Californie, reste encore bien installé au sommet de l’univers rap.
Kendrick Lamar sera d’ailleurs de passage sur la grande scène des Plaines au Festival d’été de Québec, vendredi soir. Une grosse prise pour l’événement qui démarre ce jeudi et qui fête son 50e anniversaire.
L’Américain de tout juste 30 ans a fait paraître en avril l’album DAMN, son quatrième disque studio — si on exclut l’ovni untitled unmastered. Sur DAMN, Lamar a invité un peu moins de collaborateurs vocaux (mais quand même Rihanna et U2), et propose un disque moins tissé de jazz et moins ponctué d’interludes que ne l’était son précédent To Pimp a Butterfly, gigantesque album paru en mars 2015, où étaient abordés de front les enjeux raciaux aux États-Unis.
«Ses albums officiels sont complètement différents musicalement, raconte le beatmaker montréalais Julien Cloutier, mieux connu sous son nom de scène, Toast Dawg. To Pimp a Butterfly est plus jazz, oui. Le dernier album, DAMN, est résolument plus rap. Je crois qu’il peut toucher à tout, et il sait s’entourer de musiciens et de producteurs de haut niveau. »
Succès
Les chiffres de DAMN sont impressionnants — le disque s’était écoulé à plus d’un million d’exemplaires dans ses trois semaines en magasin. Juste pour sa première semaine, l’album a trouvé l’équivalent de 603 000 preneurs.
C’est avec la pièce Humble, tirée de son dernier disque, que Lamar a pu se hisser pour une première fois au sommet du Billboard Hot 100, devançant fin avril la très pop Shape of You d’Ed Sheeran.
Un des exploits de celui qu’on surnomme K. Dot est d’avoir réussi à conjuguer son audace avec son succès. Il a su faire évoluer sa musique sans perdre de fans, et même en en gagnant.
«Kendrick Lamar est à mon sens un des artistes les plus intéressants des dernières années, tous styles confondus, raconte au Devoir Steve Jolin, patron de l’étiquette 7e Ciel et lui-même rappeur sous le nom d’Anodajay. Il a su se renouveler en restant pertinent et engagé dans sa musique, s’éloignant et se distinguant des clichés bien connus reliés au genre. À l’essence même de ce que devrait être le rap, Kendrick est pas mal au top en terme de contenu et d’originalité.»
Toast Dawg, lui, estime que Lamar est probablement un des seuls artistes qui fait l’unanimité dans le monde hip-hop. «C’est un pont entre le old school et le new school. Il rejoint les fans de rap de tous âges. »
Terrain connu et découverte
Comme Kendrick Lamar a beaucoup travaillé avec le monde du jazz — Robert Glasper, Kamasi Washington, Thundercat, BADBADNOTGOOD —, Le Devoir a demandé au pianiste du groupe Misc, Jérôme Beaulieu, son point de vue sur le travail du rappeur.
«Ce qui me fascine et m’inspire chez Kendrick Lamar, c’est la façon qu’il a de faire de la musique qui s’adresse à un grand nombre de gens sans toutefois les prendre pour des cons», explique Beaulieu.
Il donne l’exemple de To Pimp A Butterfly, «une oeuvre immense et complexe avec un propos dense et élaboré, proposée d’une façon qui met l’auditeur à mi-chemin entre le terrain connu (un groove solide, des mélodies accrocheuses, etc.) et la découverte (poésie très étoffée, free jazz cacophonique dès la deuxième piste de l’album, etc.) ».
Un flow unique
Une des forces du populaire rappeur est sans contredit son flow, son débit malléable, polyvalent.
«Pour être honnête, la première fois que j’ai entendu l’album Good Kid, M.A.A.D City, j’ai été un peu déstabilisé, raconte Toast Dawg, qui a fait partie des groupes Atach Tatuq et Payz Play et qui travaille actuellement avec Brown. Honnêtement, je n’étais pas sûr du tout, même confus. Kendrick peut tellement jouer avec son timbre de voix et son flow, qu’on peut croire avoir affaire à plusieurs rappeurs. Incroyable.»
Ce jeu sur la vitesse, les couleurs, épate aussi le jazzman Jérôme Beaulieu, qui s’y connaît un brin en la matière. «On dirait qu’il change de personnage selon les pièces qu’il fait et il joue énormément avec son positionnement par rapport au tempo, en étant un peu en arrière ou un peu devant la pulsation. Ça lui donne une latitude énorme pour interpréter différents textes et évoquer les ambiances nécessaires à la bonne compréhension de son propos. » Ici, la forme rencontre le fond.
KENDRICK LAMAR Au Festival d’été de Québec le 7 juillet. Au Centre Bell à Montréal le 24 août.